
Le 2 novembre, les manifestants de Quimper, affublés de leur bonnet rouge, ont accaparé l’attention du pays. Le même jour, des syndicats de salariés bretons, qui dénoncent les récupérations politiques et patronales de leur lutte, ont organisé leur propre rassemblement à Carhaix, pour défendre l’emploi en Bretagne. Parmi eux, Yves-Marie Le Lay, militant associatif, refuse « de faire confiance à ceux qui portent depuis 40 ans ce modèle économique et humain qui a tant failli en Bretagne ». L’écotaxe, en devenant le chiffon rouge agité par la FNSEA et le Medef, détourne l’attention du problème de fond : l’échec du modèle agricole productiviste breton.
Je suis breton et fier de l’être. Samedi, j’étais à Carhaix, pas à Quimper. Pourtant, parait-il, l’avenir de la Bretagne, se jouait dans la capitale de la Cornouaille. Ce grand bal pour l’emploi était organisé par les pollueurs de nos rivières et de notre littoral, et par les exploiteurs de la force de travail bretonne. Avec un tel passif, qu’est-ce qui les autorisait à défendre notre région qu’ils ont tant abimée ? On pouvait encore penser hier que c’était le prix à payer pour une économie florissante. Forts alors de ce seul actif, ces acteurs de premier plan donnaient l’illusion d’une certaine compétence, les autorisant à un grand rassemblement pour l’emploi. Mais devant l’effondrement de l’économie bretonne dont ils sont les seuls responsables, quelle légitimité ont-ils encore à parler d’économie et d’emplois ?
Il leur aura suffi de casser quelques portiques d’éco-taxe pour redorer leur blason et trouver le coupable idéal. Comme les garnements dans la cour de récréation, pris la main dans le sac, ils disent alors : c’est pas nous, c’est les autres. Et les autres, ce sont toujours ceux qui sont loin : Paris, la République, l’Europe, la mondialisation, tout ce qui mettrait des freins à l’économie. Se dessine alors le cadre idéal : les autres sont les méchants responsables de tous nos malheurs. Faisons bloc entre nous Bretons contre eux. Et il faudrait croire à cette fable battue et rebattue qui a conduit à tant de tragédies ?
Les fossoyeurs de la Bretagne
Je suis breton et fier de l’être, et me voilà invité par ceux qui ont apporté à la Bretagne la pollution de l’eau, les troubles musculo-squelettiques et maintenant la fermeture d’usines agroalimentaires, malgré des aides publiques massives. Me voilà invité à Quimper par tous ceux qui ont perdu la Bretagne depuis 40 ans et qui n’ont comme avenir à lui proposer que de continuer à la gérer comme avant pour la perdre demain encore et toujours ! Me voilà invité à Quimper par des décideurs publics et privés incompétents et cyniques qui cachent mal sous leur bonnet rouge les oreilles de leur bonnet d’âne !
Quant aux salariés de l’agroalimentaire, on est triste pour eux, tant leur désarroi les égare. (...)