
L’Amérique centrale est considérée par le gouvernement des États-Unis comme une partie de sa zone d’influence exclusive. La politique adoptée par la Banque mondiale en termes de prêts à l’égard des pays de la région est directement influencée par les choix politiques du gouvernement des États-Unis. Le cas du Nicaragua et du Guatemala au cours des années 1950 est tout à fait clair.
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Petit rappel : Alors que le clan des Somoza est au pouvoir au Nicaragua depuis les années 1930 grâce à une intervention militaire des États-Unis, un puissant mouvement populaire triomphe de la dictature le 19 juillet 1979 et provoque la fuite du dictateur Anastasio Somoza. Les Somoza, détestés du peuple, ont accaparé une très grande partie des richesses du pays et ont favorisé l’implantation de grandes entreprises étrangères, surtout états-uniennes.
La dictature d’Anastasio Somoza a bénéficié de nombreux prêts de la Banque mondiale. À partir de la chute de la dictature se met en place un gouvernement d’alliance regroupant l’opposition démocratique traditionnelle (représentant la fraction « libérale » de la bourgeoisie et dirigée par des chefs d’entreprise) et les révolutionnaires sandinistes qui ne cachent ni leur sympathie pour Cuba ni leur disposition à entreprendre certaines réformes progressistes (réforme agraire, nationalisation de certaines entreprises étrangères, confiscation des terres appartenant au clan des Somoza, programme d’alphabétisation…). (...)
Washington, qui a soutenu Anastasio Somoza jusqu’au bout, considère que ce nouveau gouvernement fait peser une menace de contagion communiste en Amérique centrale. L’administration du président Carter, en poste au moment du renversement de la dictature, n’adopte pourtant pas immédiatement une attitude agressive. Mais les choses changent immédiatement quand Ronald Reagan entre à la Maison blanche. Dès 1981, il annonce sa volonté de faire tomber les sandinistes et soutient financièrement et militairement une rébellion composée des anciens membres de la garde nationale (« Contrarevolucionarios » ou « Contras »). L’aviation des États-Unis mine plusieurs ports nicaraguayens (voir encadré sur la condamnation des États-Unis par la Cour internationale de justice de La Haye). Face à cette hostilité, la politique du gouvernement à majorité sandiniste se radicalise. Lors des élections de 1984 qui se déroulent de manière démocratique pour la première fois depuis un demi-siècle, le sandiniste Daniel Ortega est élu président avec 67 % des suffrages. L’année suivante, les États-Unis décrètent un embargo commercial contre le Nicaragua, qui isole le pays par rapport aux investisseurs étrangers. La Banque mondiale, quant à elle, stoppe ses prêts à partir de la victoire sandiniste aux élections présidentielles. Les Sandinistes tentent alors activement de convaincre la Banque mondiale de reprendre les prêts. Ils sont même disposés à appliquer un plan d’ajustement structurel draconien, ce qu’ils font à partir de 1988. La Banque décide cependant de ne pas donner suite et ne reprend les prêts qu’après la défaite électorale des sandinistes aux élections de février 1990 qui voient la victoire de Violeta Barrios de Chamorro, candidate conservatrice soutenue par les États-Unis.
La condamnation des États-Unis par la Cour internationale de justice de La Haye (...)
Cela vaut la peine de reproduire le résumé officiel de l’affaire tel qu’il est publié sur le site de la CIJ : « Le 27 juin 1986, la Cour a rendu son arrêt sur le fond. Entre autres décisions, elle a rejeté la justification de légitime défense collective avancée par les Etats-Unis relativement aux activités militaires ou paramilitaires au Nicaragua ou contre celui-ci, et dit que les Etats-Unis avaient violé les obligations imposées par le droit international coutumier de ne pas intervenir dans les affaires d’un autre Etat, de ne pas recourir à la force contre un autre Etat, de ne pas porter atteinte à la souveraineté d’un autre Etat, et de ne pas interrompre le commerce maritime pacifique. La Cour a en outre dit que les Etats-Unis avaient violé certaines obligations d’un traité bilatéral d’amitié, de commerce et de navigation de 1956 et commis des actes de nature à priver celui-ci de son but et de son objet.
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