Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
inf’ogm
Brevet sur le vivant : des forteresses abusives
#agriculture #semences #brevets
Article mis en ligne le 1er septembre 2023

Dans un article précédent, Inf’OGM expliquait que la portée des revendications de brevets sur le vivant peut être trop large, artificielle et complexe [1]. Pourtant, l’agro-industrie se sert de tels brevets comme arme judiciaire pour menacer et poursuivre diverses formes de concurrence.

En général, les entreprises utilisent leurs droits de brevets pour s’opposer à des « concurrents horizontaux » (d’autres entreprises) pour, par exemple, récupérer ou conquérir de nouvelles parts de marché. Mais ces entreprises s’opposent aussi à de plus petits acteurs, situés plus bas dans la filière, qu’ils considèrent comme des « concurrents verticaux » : agriculteurs, semenciers et entreprises alimentaires. Lorsque les tribunaux sont saisis, les brevets en cause peuvent voir leur portée limitée ou être invalidés.
Un contentieux brevet peu équitable

Un détenteur de brevets peut, via une « action en contrefaçon », faire valoir ses droits auprès de contrefacteurs présumés. Pour éviter le litige, ces derniers peuvent accepter les conditions d’une licence d’exploitation des brevets en payant des « droits d’entrée » et en versant des redevances. Alternativement, ils peuvent, en réponse à cette action en contrefaçon, contester la validité du ou des brevets en question (...)

L’issue d’un contentieux dépend, entre autres, des juridictions saisies (différences de lois et de jurisprudences), du type de revendications sur lesquelles se base l’action en justice, de l’assise financière des parties opposées. Le scénario le plus favorable pour la partie attaquée est lorsque celle-ci prouve que le brevet qui lui est opposé ne couvre pas l’acte présumé contrefaisant, c’est-à-dire celui qui reproduit ou utilise une invention sans autorisation du détenteur du brevet.

Un contentieux est donc non seulement peu prévisible dans son dénouement mais il est aussi très coûteux. Les modestes « concurrents verticaux » que sont les petits et moyens semenciers ou les agriculteurs estiment alors en général ne pas avoir les « reins assez solides » pour faire face à des procédures judiciaires. Il n’ont pourtant pas toujours le choix.
La réalité des attaques envers la « concurrence verticale »

La menace que fait peser une possible action en contrefaçon est d’autant plus inquiétante pour les petits acteurs de la filière que les droits de brevets sont nombreux, complexes, voire obscurs. C’est pourtant bien dans de telles conditions que de petites structures et des individus ont été poursuivis en justice par des agro-industriels. Et certaines décisions de justice revisitent totalement certains principes du droit des brevets. (...)

dans une situation d’asymétrie économique, les conditions de négociation sont subies par la partie la plus faible (...)

Le rôle essentiel des tribunaux

L’Office Européen des Brevets (OEB) délivre depuis de longues années des brevets de portée très large, et qui pour certains couvrent des « traits natifs » (caractères présents à l’état sauvage dans une plante ou qui peuvent être obtenus dans la plante après un simple croisement) [11]. Une fois délivrés par l’OEB, ces brevets sont « validés » par leurs détenteurs dans des pays européens choisis. Les juridictions nationales concernées peuvent alors être saisies d’une affaire de contrefaçon impliquant de tels traits natifs. (...)

S’il est peu vraisemblable que les tribunaux rejettent les brevets sur le vivant, ils doivent néanmoins logiquement refuser des revendications trop larges et limiter les brevets à la séquence génétique spécifique du matériel végétal concerné. Cela revient notamment à invalider les brevets revendiquant des séquences ayant un pourcentage d’identité avec la séquence génétique effectivement identifiée [14].

Les tribunaux doivent, en outre, prendre en compte les spécificités du vivant pour se prononcer sur la pertinence d’un brevet au moment où celui-ci est considéré dans un litige. Mais le font-ils réellement ? (...)

Le système judiciaire peut donc nourrir des injustices. C’est le cas dans la filière agro-industrielle, en particulier lorsqu’un contentieux autour de brevets oppose des parties aux pouvoirs économiques peu comparables. Et où donc David gagne rarement contre Goliath. (...)