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Brevets européens sur le vivant : un garde-fou insuffisant
Article mis en ligne le 24 juillet 2017
dernière modification le 23 juillet 2017

Suite à l’avis de la Commission européenne de novembre 2016, le Conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets (OEB) a décidé de modifier le règlement d’exécution de la Convention sur le brevet européen pour aligner sa position sur celle des institutions de l’Union européenne. Mais, selon les organisations de la société civile, les modifications restent insuffisantes pour réellement encadrer les brevets sur le vivant.

Les textes de l’Union européenne comme ceux de l’Organisation européenne des brevets prévoient que « les variétés végétales ou les races animales ainsi que les procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux » ne sont pas brevetables [1]. Cette exclusion empêche l’octroi d’un brevet sur une variété et un procédé essentiellement biologique [2]. Mais, jusqu’à maintenant, ni la directive de l’Union européenne, ni la Convention sur le brevet européen ne tranchaient explicitement la question de la brevetabilité des plantes et animaux issus des procédés essentiellement biologiques.

Dans son avis publié en novembre 2016, la Commission européenne a précisé que, selon elle, l’intention du législateur de l’Union européenne était d’exclure de la brevetabilité non seulement les procédés mais aussi les produits obtenus par lesdits procédés [3]. Et la Commission européenne précisait également que l’exclusion de la brevetabilité concernait aussi les parties de végétaux ou d’animaux issus de ces procédés.

Tensions entre l’OEB et l’Union européenne
La publication de cet avis a clairement mis au jour une tension entre l’interprétation de la directive de l’Union européenne en matière de brevetabilité des inventions biotechnologiques (directive 98/44) par la Commission européenne et la pratique de l’Office européen des brevets. Ce dernier a en effet multiplié la délivrance de brevets sur des plantes issues de procédés essentiellement biologiques ces dernières années : par exemple, un brevet sur un poivron sans graines [4] issu de procédés de sélection conventionnelle.(...)

Une limitation imprécise donc facilement contournée
L’exclusion explicite de la brevetabilité des végétaux et animaux issus de procédés essentiellement biologiques a pour effet d’aligner, en apparence, l’Office européen des brevets sur l’interprétation de la Commission européenne telle qu’exposée dans son avis de novembre 2016. Mais, dans sa rédaction actuelle, cette exclusion pourra être aisément contournée.

Le règlement d’exécution de la Convention sur le brevet européen, tel que modifié le 29 juin, ne précise pas si l’exclusion de la brevetabilité des animaux et végétaux issus de procédés essentiellement biologiques concerne également les parties de végétaux ou d’animaux issus de procédés essentiellement biologiques. Il ne précise pas non plus, comme le fait le droit des brevets français, que les informations génétiques que contiennent les animaux et végétaux issus de procédés essentiellement biologiques ne sont pas brevetables.

Dès lors, isoler un élément d’une plante ou animal issu d’un procédé essentiellement biologique (une séquence, une graine, une cellule, ou une information génétique, un fruit ou toute autre récolte transformée n’étant plus du « matériel de reproduction »...) permettra-t-il de contourner l’exclusion de la brevetabilité des plantes et animaux issus de procédés essentiellement biologiques que l’OEB vient de préciser ? L’enjeu est important : si, par exemple, les informations génétiques que contiennent les animaux et végétaux issus de procédés essentiellement biologiques étaient brevetables, cela aurait pour conséquence que les droits exclusifs conférés par de tels brevets s’étendent aux plantes ou animaux dans lesquelles cette information génétique est présente et exerce la fonction indiquée dans le brevet, et ce même s’ils contiennent cette information génétique naturellement, ou suite à des croisements et/ou un travail de sélection. Or comme le relève la Coordination européenne de La Via Campesina dans un communiqué de presse, « avec les nouvelles techniques de manipulations génétiques comme la mutagénèse microbiologique ou Crispr/Cas9, le nouveau trait est décrit dans le brevet d’une manière qui ne permet pas de le distinguer de traits natifs » [11].

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Il est à noter qu’avant le Conseil d’administration de l’OEB, les organisations de la société civile française réunies dans le Collectif Semons la biodiversité avaient interpellé le gouvernement français à travers une lettre collective. Il s’agissait d’inciter la France à avoir une position cohérente avec le droit des brevets français au sein du Conseil d’administration de l’Organisation Européenne des Brevets sur la brevetabilité des plantes et des animaux issus de procédés essentiellement biologiques. Leurs demandes n’ont manifestement pas été retenues [13].

Les nouvelles règles du règlement d’exécution de la Convention sur le brevet européen sont applicables depuis le 1° juillet 2017. L’Office européen des brevets a annoncé que les procédures d’examen et d’opposition liées à des affaires concernant un végétal ou un animal obtenu par un procédé essentiellement biologique, suspendues depuis novembre dernier, reprendront maintenant progressivement et seront instruites conformément à la pratique clarifiée.

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