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IRIN - nouvelles et analyses humanitaires
Briefing : La nouvelle stratégie djihadiste dans le Sahel
Article mis en ligne le 12 février 2016
dernière modification le 9 février 2016

Depuis quelques semaines, les forces de l’ordre sont sur le qui-vive dans la capitale sénégalaise, Dakar. La police et l’armée, présentes dans les rues, procèdent à des fouilles de voiture et appréhendent les militants islamistes présumés.

C’est la réponse à l’attentat d’al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) qui a fait 30 morts au Burkina Faso le 15 janvier. (...)

(...) Cette vulnérabilité résulte de l’instabilité politique qui règne au Burkina Faso depuis le renversement de Blaise Compaoré, chassé du pouvoir par des mouvements de jeunes après près de 30 ans de règne.

Mais il y a une faiblesse, plus fondamentale, qui trouve son origine dans la légitimité et l’autorité des gouvernements de la région du Sahel. Une faiblesse qu’AQMI, les groupes liés à AQMI et l’autoproclamé Etat islamique (EI) essayent d’exploiter.

L’attentat au Burkina Faso a été perpétré par al-Mourabitoun, un groupe militant qui avait récemment fait allégeance à AQMI. Les établissements ciblés étaient appréciés des travailleurs humanitaires occidentaux, des hommes et femmes d’affaires ainsi que des soldats qui participaient à l’opération Barkhane, une mission menée par l’armée française pour lutter contre l’insurrection dans la région. (...)

« Il y a trois ans, l’objectif d’AQMI était de s’emparer du territoire du nord du Mali. Cela n’est plus le cas », a expliqué à IRIN Jean-Hervé Jezequel, analyste principal pour le Sahel de l’International Crisis Group (ICG). « La nouvelle stratégie n’est pas de contrôler un territoire, ils veulent montrer qu’ils peuvent opérer sur une zone bien plus vaste et perpétrer des attaques contre les capitales des pays qui collaborent avec les forces occidentales ».

Pourquoi le Sénégal devrait-il s’inquiéter ?

Le renforcement de la sécurité à Dakar montre que la ville est une cible tentante. Bon nombre d’organisations internationales y ont installé leurs bureaux régionaux. Le Sénégal est un partenaire pro-occidental, notamment de la France et des Etats-Unis, et Dakar a fourni des troupes pour l’intervention militaire organisée par l’Union africaine avec le soutien de la France au Mali. Plus de 500 personnes ont été arrêtées au cours des opérations coup de poing menées récemment. (...)

De nombreux éléments prouvent que des Sénégalais ont rallié les causes djihadistes. Certains ont rejoint les forces de l’EI en Libye
(...)

Le salafisme, une interprétation stricte et plus conservatrice de l’islam, gagne en popularité – avec l’appui financier des Etats du Golfe. Il ne faut cependant pas faire l’amalgame entre salafisme et djihadisme (...)

AQMI est le descendant du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien, mais son origine remonte encore plus loin : en 1992, une violente insurrection éclate quand le Groupe islamique armé (GIA) prend les armes après que les généraux algériens, soutenus par la France, décident d’annuler les élections remportées par le Front islamique du salut (FIS). A la recherche d’une base sûre, les militants du GSPC traversent la frontière pour se réfugier dans la région isolée du nord du Mali. (...)

Le Mali constitue un excellent refuge pour les militants. Des djihadistes étrangers se sont installés au sein des communautés et y ont fait leur place par le biais de mariages ou d’affinités et en faisant preuve de générosité. L’accord tacite passé avec l’armée malienne et les représentants de l’Etat était le facteur clé de leur survie et leur assurait une certaine tranquillité. Dans le système politique dysfonctionnel du Mali, le Nord a toujours été marginalisé, avec un contrôle central limité exercé par le biais de la coutume, des procurations et des pots-de-vin. Le fait de récupérer une part de l’économie informelle lucrative de la région – la drogue, les routes migratoires et, comme tout le monde le sait, dans le cas de M. Balmokhtar, les cigarettes de contrebande – leur assurait une plus grande impunité.

Le message

Au-delà de l’idéologie islamique, le message lancé par AQMI et les autres groupes affiliés à une population souvent méfiante à l’égard des intentions des Occidentaux est un appel à la lutte contre un ennemi néocolonial résolu à piller les richesses africaines. Ils ont adapté leur message aux contextes locaux – reflétant les inquiétudes exprimées par les divers groupes ethniques, les Touaregs, les Arabes/Maures, les Peuls noirs et les Songhaïs.

« C’est surtout une question de justice », a expliqué l’analyste basé à Dakar. « Le sentiment que le monde ne tourne pas rond, que l’Etat est répressif, que le système économique mondial est injuste. En gros, vous vivez sans rien, tandis que les ministres ont des maitresses et des belles voitures. C’est une vision très populiste du ressentiment. Les gens font aisément le lien entre leur histoire personnelle et le discours mondial sur la justice et l’injustice qui, fondamentalement, dit que la religion peut arranger les choses ». (...)

En 2014, les dirigeants de la Mauritanie, du Mali, du Niger, du Tchad et du Burkina Faso ont formé le G5 Sahel – une organisation régionale visant à renforcer la coopération en matière de développement et de sécurité dans la région. Le processus de Nouakchott de l’Union africaine accroît le nombre de participants au programme de coopération renforcée en matière de sécurité qui prévoit des rencontres régulières et la nomination de responsables de la sécurité. Mais la région est vaste, le terrain est rude et les forces de sécurité régionales sont peu nombreuses.

« L’accent ne devrait pas être mis sur la sécurisation des frontières », a expliqué M. Jezequel. « L’accent devrait être mis sur la fourniture des services qui font défaut – les services sociaux, les services publics. C’est un projet gigantesque, à long terme, mais c’est essentiel ».

L’attentat a été commis par un commando de jeunes hommes basé au Mali (...)