
Alors qu’elle avait provoqué de vives réactions en début d’année, en se disant favorable au fait que les FAI puissent bloquer certains services sur Internet avec des forfaits à options, la commissaire européenne Neelie Kroes s’est dite déterminée ce jeudi à imposer des mesures contraignantes pour faire respecter la neutralité du net par les opérateurs. Elle y voit le moyen de redorer le blason de l’Union Européenne. Un changement de ton aussi inattendu que bienvenu.
en début d’année, Neelie Kroes avait beaucoup choqué en prononçant l’acte de mort de l’Internet universel, jugeant que les FAI pouvaient faire ce que bon leur semble dans la sélection des contenus visibles par leurs abonnés sur Internet, à condition d’en informer les clients. "L’intérêt public ne s’oppose pas à ce que les consommateurs s’abonnent à des offres internet limitées, plus différenciées, éventuellement pour un prix moins élevé", avait-elle affirmé.
En plus de l’insuffisante transparence sur les violations, qui était devenue ces dernières années le seul leitmotiv de la Commission Européenne en matière de protection de la neutralité des réseaux, Neelie Kroes demandait simplement que les FAI prévoient "une option réaliste permettant de passer à un service « complet » dépourvu de telles restrictions". Le dogme était que la concurrence libre entre les FAI pousseraient les abonnés à Internet à choisir les FAI qui n’imposent aucune restriction sur l’utilisation d’Internet, ce qui était à la fois naïf et peu pertinent. La neutralité du net ne doit pas uniquement permettre au internautes de choisir d’avoir accès à Skype (par exemple), mais doit permettre à Skype d’être créé sans obstacles, pour convaincre les internautes de son intérêt. Garantir la neutralité du net, c’est favoriser les innovations de demain. (...)
La vision extrêmement libérale et dangereuse de la neutralité du net défendue par Neelie Kroes avait fait bondir plus de 80 organisations européennes, fédérées au sein du BEUC et de l’EDRi, qui ont écrit ensemble à la Commission au mois d’avril pour lui rappeler que "le cadre de régulation ne peut pas reposer exclusivement sur la concurrence et la transparence". "Un choix entre le moindre de deux maux n’est pas un choix que les citoyens européens devraient avoir à faire", concluaient-elles.
Or ce jeudi matin, Neelie Kroes a paru changer radicalement de discours. Dans un contexte d’euroscepticisme rampant, elle a demandé au Parlement Européen de l’aider à "montrer aux citoyens que l’Union Européenne est pertinente pour leur vie", et que "nous avons fait en sorte que les règles numériques soient conformes à leurs attentes légitimes".
"Je veux que vous puissiez dire que vous avez sauvé leur droit à un internet ouvert, en garantissant la neutralité du net", a-t-elle demandé aux députés européens. Elle n’a pas parlé de garantir la transparence et la libre concurrence, mais bien de garantir la neutralité elle-même. (...)