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Bulles de communication
Le Ptitgrain n°320/jean-Luc Gasnier
Article mis en ligne le 31 mars 2015

L’argent et l’information, ces deux vecteurs de domination si essentiels aux pouvoirs quelle que soit leur nature, sont aujourd’hui pervertis par des techniques qui amplifient leurs effets et les éloignent encore davantage d’un usage contrôlé et citoyen.

La communication est à l’information ce qu’est la finance au capital. A l’instar de l’optimisation fiscale ou de la recherche du meilleur rendement à court terme du capital investi, elle permet une « optimisation » de l’information, si possible en dehors de tout contrôle et de toute règle éthique, pour servir momentanément des intérêts particuliers et partisans. La communication est le plus souvent synonyme de manipulation voire de désinformation. Et de même que le capital engendre, grâce à des méthodes sophistiquées de traitement des actifs financiers comme les transactions algorithmiques à haute fréquence, des bulles spéculatives qui enflent dans le vide règlementaire, le traitement moderne et répétitif de l’information par l’ensemble des médias donne lieu à des bulles de communication monstrueuses qui semblent échapper à toute normalité.

Après l’accident d’hélicoptères en Argentine qui avait donné lieu à une inflation de reportages insignifiants et dérisoires, l’accident de l’Airbus de la compagnie Germanwings a mobilisé cette semaine les médias à temps complet. Un crash extraordinaire et mystérieux, propre à stimuler l’émotion et l’imagination, a permis d’amorcer une formidable boucle de rétroaction positive en matière de communication. L’information déclenche l’émotion qui s’amplifie au fur et à mesure de sa diffusion, l’évènement médiatisé entretenant et augmentant l’impact émotionnel qui mobilise toujours plus les médias, etc. Les stratégies de communication peuvent alors se déployer et donner toute leur mesure. . .

Pour les hommes politiques, et notamment pour les chefs d’Etat et de gouvernement, exprimer sa solidarité vis-à-vis des victimes et des familles endeuillées dans de telles circonstances constitue à la fois une obligation et une formidable opportunité de communion avec le peuple susceptible d’accroître ou de raviver leur popularité. C’est l’occasion de rappeler leur appartenance à une humanité soumise aux aléas de la destinée alors même que l’exercice de leurs fonctions les tient éloignés des vicissitudes du commun des mortels. Mais, évidemment, l’exploitation politique de l’évènement ne rime pas avec pudeur, retenue et simplicité. Angela Merkel, Mariano Rajoy et François Hollande, se sont donc retrouvés sur les lieux du drame, en totale impuissance, détournant de leur mission première les services de secours et de sécurité présents sur les lieux, désespérément inutiles et encombrants en cet endroit et à ce moment- là, mais communiquant dans un théâtre approprié à leur mise en scène compassionnelle. Ils étaient là, à Seyne les Alpes, face à la mort, face à cette montagne permettant de donner le maximum d’écho à leur cri d’empathie ; ils étaient là afin de parler pour une fois avec le langage du cœur alors même qu’ils ne connaissent plus que la grammaire de la finance.

De son côté, le PS communique sur les résultats du premier tour des départementales et les enjeux du second tour en criant victoire malgré l’ampleur de la défaite. Enfermé dans sa bulle, sans doute encore enivré par les chiffres manipulés du Ministère de l’Intérieur , il apparaît coupé des réalités, schizophrène, atteint d’une sorte de delirium électoral . Des éléphants roses, dressés par un Premier ministre agité, délivrent des éléments de communication répétitifs : « on résiste mieux que prévu », « quand on mobilise les français, ça marche », « Les candidats de la majorité ont réalisé des scores honorables » . . . et spéculent sur l’avenir de façon incompréhensible et provocante, en appelant les partis de gauche à faire bloc autour d’un moribond car, bien sûr, « c’est le PS qui doit être le moule de ce rassemblement indispensable ».

La communication gouvernementale est à l’unisson : le chômage a augmenté de nouveau au mois de février mais François Rebsamen se veut résolument optimiste et préfère, une fois n’est pas coutume, analyser les chiffres sur deux premiers mois de l’année afin de pouvoir s’enorgueillir d’une baisse infinitésimale. Et il paraît que « les signes de la reprise sont là » !

Informer, communiquer. . .

Notre époque, dominée par l’argent et la finance, est propice à toutes les confusions. Chez Radio-France, par exemple, où l’information est le métier, la communication semble primordiale pour son PDG, Mathieu Gallet : en pleine période de restrictions budgétaires il vient d’embaucher un nouveau conseiller en communication pour un salaire annuel de 90.000 €. Mais il est vrai que, pour Mathieu Gallet comme pour beaucoup d’autres patrons, il est probablement très important de savoir communiquer sans informer.

Et pendant ce temps-là, le Forum social mondial, ce moment d’échange d’informations et d’expériences si stimulant pour les citoyens du monde, se déroule à Tunis dans le plus grand silence des médias : information et communication se rejoignent exceptionnellement dans un ensemble vide.