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« C’est maintenant ou jamais » : les solutions du Giec face au chaos climatique
Article mis en ligne le 5 avril 2022

Dans un nouveau rapport, le Giec dresse un sombre état des lieux de nos efforts pour atténuer nos émissions de gaz à effet de serre. Il dévoile toutefois un itinéraire clair pour y parvenir, notamment avec les renouvelables.

Premier constat : la tendance actuelle n’est toujours pas la bonne et mène à une augmentation de la température de 3,2 à 5 °C à l’horizon 2100. Durant la décennie 2010-2019, les émissions de gaz à effet de serre ont atteint un nouveau record (56 GtCO2eq par an en moyenne), « le plus haut niveau de toute l’histoire de l’humanité ». Maigre consolation : la croissance de nos émissions a ralenti (+1,3 % par an) par rapport à la décennie précédente (+2,1 % par an). Pourtant, « sans des réductions immédiates et profondes des émissions dans tous les secteurs, limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C sera impossible, a expliqué lors d’une conférence de presse lundi 4 avril en fin d’après-midi Jim Skea, coprésident du groupe de travail. C’est maintenant ou jamais ». (...)

Énergies fossiles, technologies, équité : les points de crispation

« Le troisième volet est toujours plus politique que les autres », a expliqué à Reporterre le chercheur en sciences politiques François Gemenne. Et certains points, comme la sortie des énergies fossiles, le rôle des technologies, les questions d’équité et de finance cristallisent les tensions. Sur la question des énergies fossiles, les experts sont clairs : il faut limiter l’utilisation du pétrole et du gaz. Conséquences : les actifs financiers liés aux énergies fossiles perdront de leur valeur dans une trajectoire visant les 1,5 °C de réchauffement, les infrastructures fossiles existantes devront être éliminées rapidement, et nous devrons renoncer à consommer une part substantielle de ces réserves en énergie fossile. Sans oublier que « poursuivre la mise en place d’infrastructures d’énergies fossiles “verrouillerait” les émissions de GES et mettrait l’objectif de 1,5 °C hors de portée », préviennent les auteurs.

Concernant les technologies de capture et de séquestration du carbone, le Giec rappelle que celles-ci ne doivent pas se substituer aux diminutions de l’usage des énergies fossiles. (...)

Même en ayant recours à la capture et au stockage du carbone — pour compenser des émissions résiduelles, les objectifs resteront peu ou prou les mêmes pour le charbon (-95 %) et le pétrole (-60 %). Seules les ambitions de réduction de l’usage du gaz pourront être moindres (-45 %). Mais attention, « la mise en œuvre de la capture et de la séquestration du carbone se heurte à des obstacles technologiques, économiques, institutionnels, écologiques, environnementaux et socioculturels », alertent les auteurs.

En matière d’équité enfin, les chiffres sont éloquents : bien que ne représentant qu’un cinquième de la population mondiale (22 %) en 2019, l’Amérique du Nord, l’Europe, l’Australie, le Japon et la Nouvelle-Zélande ont contribué historiquement à 43 % des émissions de gaz à effet de serre. À la même date, l’Afrique et l’Asie du Sud comptaient 61 % de la population, pour 11 % des émissions. La distribution des inégalités s’observe au sein même des États : les 10 % des ménages les plus riches contribue à 34 à 45 % des émissions. « Les personnes ayant un statut socio-économique élevé contribuent de façon disproportionné aux émissions et ont le plus grand potentiel de réduction », pointent les experts.

Face à ce constat, les États les plus émetteurs n’ont pourtant pas encore respecté leurs engagements (...)

« Le rapport insiste sur une transition juste, a expliqué le chercheur Franck Lecocq, lors d’un point presse. Les impacts socio-économiques dépendent du détail des politiques publiques et de leur mise en œuvre. »
Des solutions prometteuses

Dans ce marasme, les auteurs se veulent rassurants : « Nous pouvons réduire nos émissions de moitié d’ici 2050. » Et des options existent dans tous les secteurs. Certains se sont même avérés plus prometteurs qu’attendu. C’est le cas de l’éolien, du solaire ou des batteries dont les coûts ont chuté jusqu’à 85 % depuis 2010. En outre, un éventail croissant de politiques et de lois ont amélioré l’efficacité énergétique, réduit les taux de déforestation et accéléré le déploiement des énergies renouvelables. Mais les efforts doivent persister. « Nous sommes à la croisée des chemins. Les décisions que nous prenons maintenant peuvent garantir un avenir vivable. Nous avons les outils et le savoir-faire nécessaires pour limiter le réchauffement », a insisté Hoesung Lee, le président du Giec.
Investissements insuffisants

Pour y parvenir, d’importants investissements seront nécessaires. Pour l’heure, ceux-ci restent encore largement insuffisants, estiment les auteurs. Les flux financiers destinés à limiter le changement climatique sont encore 3 à 6 fois trop faibles par rapport à ce qui serait nécessaire en 2030 pour limiter le réchauffement à 2 °C. Et le soutien financier aux énergies fossiles est encore bien trop important (...)

Pourtant, les capitaux et les liquidités existent et sont suffisants pour combler ce déficit. Pour les experts, il revient désormais aux gouvernements et à la communauté internationale « d’envoyer des signaux clairs afin d’aligner les finances et les politiques publiques ».

Parmi les nouveautés de ce rapport, une place importante a été donnée à l’évolution de la demande, à savoir celle de nos comportements individuels. Si ceux-ci pourront avoir un effet substantiel sur l’évolution des émissions, ils nécessitent d’être accompagnés par des politiques publiques adéquates (...)

« La mise en place de politiques, d’infrastructures et de technologies appropriées pour permettre des changements dans nos modes de vie et nos comportements peut entraîner une réduction de 40 à 70 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Cela offre un potentiel inexploité important », a précisé le coprésident du groupe de travail, Priyadarshi Shukla.

« Il existe des options dans tous les secteurs »

Enfin, comme en 2014, les experts dressent un inventaire des solutions à mettre en œuvre dans les secteurs les plus émetteurs, notamment pour la production d’énergie, le développement du tissu urbain, l’industrie et l’agriculture. « Il existe des options dans tous les secteurs pour réduire les émissions de moitié », précisent les auteurs. (...)