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« C l’hebdo » (France 5) : censure et concert de chiens de garde contre Monique Pinçon-Charlot
mercredi 6 mars 2019
Article mis en ligne le 4 août 2019
dernière modification le 2 août 2019

« "Emmanuel Macron, le président des ultra-riches", c’est la thèse que vous défendez dans ce dernier livre, vous allez nous expliquer pourquoi » claironne en début d’émission Ali Baddou, animateur de l’émission « C l’hebdo » sur France 5, qui recevait comme invitée le 2 février Monique Pinçon-Charlot [1]. Le journaliste aurait pu se passer d’une telle promesse, car en réalité, Monique Pinçon-Charlot ne pourra guère expliquer quoi que ce soit : d’un tribunal médiatique à une discussion rigolarde entre amis journalistes, l’émission tenue par six chiens de garde va progressivement évincer l’invitée principale du plateau, et avec elle, les idées défendues dans son dernier livre.

C’est une émission cas d’école. Une émission qui est en actes la chronique du mépris que racontent justement les Pinçon-Charlot dans leur dernier livre. Une émission qui démontre – encore une fois – la difficulté d’exposer des idées radicales sur un plateau de télévision, gardé par des journalistes récidivistes dans leur hostilité aux travaux et idées des deux sociologues. Une émission de « débat » sur le service public, dont les dispositifs privilégient l’expression des éternels mêmes éditorialistes – une nouvelle fois – aux dépens des invités hétérodoxes.

Mais de quels journalistes parle-t-on, au fait ? Nicolas Domenach et Maurice Szafran tout d’abord, respectivement chroniqueur et éditorialiste politiques à Challenges, ayant tous deux par le passé occupé des postes de direction à Marianne, et auteurs d’un énième livre relatant un énième papotage avec le Président de la République. (...)

Ça commence donc bien. Mais c’est sans compter la présence des trois autres chroniqueurs permanents de l’émission : Jean-Michel Aphatie, que l’on ne présente plus, Émilie Tran Nguyen, présentatrice du 12/13 sur France 3, et Éva Roque, chroniqueuse dans le 5/7 d’Europe 1. Le tout animé par Ali Baddou, qui loin d’être un régulateur facilitant la parole de l’invitée, jouera le même rôle que ses confrères et consœurs.

C’est donc face à un tel plateau que Monique Pinçon-Charlot fut conviée non pas à « présenter » son dernier livre – comme l’affirme le descriptif de l’émission –, mais à se défendre de l’avoir co-écrit en tant que sociologue, tout en étant sommée de répondre aux différents réquisitoires des journalistes. (...)

Mais l’éditocrate est une espèce insatiable : non contents de ce temps d’expression, non contents de s’exprimer même quotidiennement dans les médias dominants, les deux journalistes sont intervenus pour couper la parole de la sociologue, se poser en contradicteurs, répondre à sa place, et lancer des réquisitoires. Par leurs interventions intempestives, ils se sont donc ajoutés à la brochette des trois chroniqueurs permanents et de l’animateur.

Poursuivons : sur 5 minutes de temps de parole, Monique Pinçon-Charlot sera interrompue pas moins de treize fois. Dont trois fois avec l’impossibilité nette de pouvoir reprendre le cours des propos qu’elle était en train de tenir (...)

Le but de l’émission n’était certainement pas de faire connaître aux téléspectateurs le contenu du livre des deux sociologues. Ou alors, on peut dire que les journalistes s’y sont collectivement (très) mal pris.

L’animateur n’avait de toute façon vraisemblablement pas lu le livre des Pinçon-Charlot.