
La semaine dernière, CNews a pour la première fois dépassé BFMTV en audience. Récompense suprême pour la chaîne qui propage des fake news sur des controverses montées de toutes pièces : documentaire censuré à Orléans, écriture inclusive imposée à l’école, Blanche-Neige victime de la “cancel culture”… Plus courageux encore, Pascal Praud désigne à la vindicte de la fachosphère des responsables de services publics. Une action civique qui vaut à l’animateur d’être chouchouté par l’Élysée.
« Merci à vous tous, chers téléspectateurs, salue Sonia Mabrouk mardi dernier. Vous avez placé hier CNews leader des chaînes d’information de France. » Devant BFMTV, et sans que cette dernière perde de part d’audience. La chaîne de Bolloré a donc su attirer un nouveau public. « C’est une confiance qui nous honore, merci encore. » Une confiance de laquelle Sonia Mabrouk sait se rendre digne. « La guerre contre l’écriture inclusive menée par Jean-Michel Blanquer qui veut l’interdire à l’école, annonce-t-elle au sommaire de Midi news. L’écriture inclusive, une attaque contre notre langue et derrière, une idéologie. » Rappelons que Sonia Mabrouk, elle, est dépourvue d’idéologie. « Et puis nous parlerons de tags anti-police et donc anti-France d’une violence inouïe. » Ils ont causé des dizaines de blessés parmi les forces de l’ordre. (...)
Rappelons que l’écriture inclusive menace la République, ses partisans étant notoirement friands de dictature militaire. (...)
Sonia Mabrouk psalmodie : « Écriture inclusive, femellisme, disent certains, mais aussi discours décoloniaux… » Sans oublier l’islamo-gauchisme racialiste. « Il y a des militants, il faut les appeler ainsi, qui pensent tordre le cou au réel et changer la cité en corrigeant les mots. » Rappelons que Sonia Mabrouk, elle, n’est pas militante. « Ces révolutionnaires de salon me font sourire, commente Ludovic Mendes, de LREM. Quand on dit à un gamin de CP qui a des difficultés parce qu’il est en apprentissage de la lecture qu’on va lui rajouter l’écriture inclusive… »
Information fantasmée de source sûre : partout en France, les élèves de CP sont contraints par les professeurs des écoles d’apprendre l’écriture inclusive. (...)
C’est d’autant plus dangereux que, selon Élisabeth Lévy, « le combat de la place des femmes dans la société, il est gagné ».
L’emploi de l’écriture inclusive conduirait tout droit à une dictature féminazie. (...)
« Est-ce que dans Blanche-Neige, vous vous souvenez de la fameuse scène du baiser, quand le prince charmant se penche sur Blanche-Neige pour la réveiller ?, demande Sonia Mabrouk. Est-ce que vous y avez vu un baiser non consenti ? » Olivier Dartigolles réagit : « La polémique est ridicule » Tellement ridicule qu’elle a été montée de toutes pièces par la fachosphère et relayée par FoxNews à partir d’un obscur blog qui faisait la promotion d’une nouvelle attraction de Disneyland. (...)
Une autre affaire montre que ce goût pour la délation peut avoir de graves conséquences sur les personnes désignées à la furie de la fachosphère.. Jeudi soir, l’émission À l’air libre, réalisée par Mediapart, reçoit Anne-Laure Amilhat-Szary, directrice à Grenoble du laboratoire Pacte du CNRS. Je conseille vivement de regarder son témoignage (en accès libre) pour prendre la mesure de la gravité des agissements de M. Pascal Praud. Ce dernier a mis en cause l’universitaire lors de l’affichage des noms de deux professeurs de Sciences Po Grenoble accusés d’islamophobie. Affichage que l’intéressée a toujours vigoureusement condamné. Affichage consécutif à une controverse entre un prof militant et une chercheuse de son laboratoire qu’Anne-Laure Amilhat-Szary a défendue dans un communiqué ensuite falsifié par Klaus Kinzler, le prof en question.
Pascal Praud s’est empressé d’inviter ce professeur, qui déclare alors : « Un grand chercheur directeur de laboratoire de recherche se met en dehors de la science. Il ne comprend même pas, c’est une femme d’ailleurs, elle ne comprend même pas ce que c’est, la science. — Ce laboratoire, Pacte, avec cette dame…, rebondit Pascal Praud. Je vais citer son nom, Anne-Laure Amilhat-Sza… Szaa… Szary. » La délation est un métier. (...)
Sur le plateau de Mediapart, Anne-Laure Amilhat-Szary raconte la suite. « La ministre de l’Enseignement supérieur dit que c’est insensé de livrer des noms d’enseignants-chercheurs à la vindicte des réseaux sociaux, or ça a été mon cas. J’ai fait l’objet d’une campagne diffamatoire avec menaces de mort nombreuses et répétées. » Au point de devoir porter plainte pour « cyber-harcèlement et menaces de mort ». « Comment vous avez vécu tout ça ?, demande Mathieu Magnaudeix. — Mal. Et comme la preuve que l’intersectionnalité est une bonne grille d’analyse puisque j’ai fait l’objet d’insultes islamophobes, antisémites, sexistes, avec une critique de mon physique avec mon portrait transformé… Je vous laisse imaginer le pire. » Le pire sciemment provoqué par Pascal Praud. (...)
« Je n’ai pas de protection judiciaire, regrette Anne-Laure Amilhat-Szary. Elle a été demandée et on n’en a plus jamais entendu parler. La ministre a défendu des personnes qui ont effectivement été mises en danger par des affichages criminels et moi, je me débrouille toute seule. » Comme se débrouillent toutes seules les journalistes Morgan Large et Nadiya Lazzouni, respectivement victimes d’intimidations (dont un sabotage de voiture) et de menaces de mort, sans qu’elles obtiennent la protection policière demandée — et soutenues par de nombreuses organisations de journalistes.
En revanche, Emmanuel Macron n’hésite pas à téléphoner à Éric Zemmour, quand il est agressé dans la rue, pour l’assurer de son soutien. De même, Christine Kelly, la faire-valoir de Zemmour, est promptement reçue à l’Élysée quand elle reçoit des menaces de mort (évidemment inadmissibles, quoiqu’on pense de son travail).
Quant à Pascal Praud… Non seulement ses délits de « mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle » (que le gouvernement se vante d’avoir inclus dans la loi Séparatisme) n’entraînent aucune poursuite, mais ils lui valent le soutien enamouré du pouvoir. Dans un article du Monde, Ariane Chemin raconte comment le journaliste de CNews est reçu avec les honneurs à Matignon, à la questure de l’Assemblée (où le reçoit le député Florian Bachelier, habitué de ses émissions) et même à l’Élysée. (...)
Ainsi, le pouvoir actuel, et jusqu’à son plus haut sommet, utilise et protège un délinquant d’extrême droite propagateur de fausses nouvelles. La campagne pour la présidentielle s’annonce terrifian… pardon, passionnante.