
(...) le service enquête de Mediapart documente l’emprise de la Russie de Poutine sur de nombreuses sphères d’influence françaises, politiques et économiques.
Un éclairage utile qui permet de regarder le présent accompagné d’un rétroviseur.
Par exemple, se replonger dans les méandres des financements russes du parti de Marine Le Pen, que Mediapart a révélés dès 2014, c’est particulièrement utile pour saisir les non-dits de la position poutinophile de la candidate d’extrême droite à l’élection présidentielle.
Se souvenir que les dessous du hacking des mails de la campagne d’Emmanuel Macron en 2017 menaient jusqu’aux services secrets russes, c’est utile. Et se rappeler que cette cyberattaque n’a pas empêché l’un des plus proches collaborateurs du président de la République, Alexandre Benalla, de contracter avec un oligarque russe du temps où il travaillait à l’Élysée tout en étant habilité au secret-défense, c’est encore plus utile (...)
Cela est d’autant plus utile que le milliardaire russe en question, Iskander Makhmudov, figure aujourd’hui sur une liste du Congrès américain d’oligarques susceptibles de subir de lourdes sanctions à cause de la guerre en Ukraine.
Il se trouve que sur cette même liste américaine figure un autre oligarque, Dmitri Rybolovlev, le propriétaire du club de football de Monaco, avec lequel l’actuel ministre de la justice, Éric Dupond-Moretti, a eu partie liée quand il était avocat. Et une fois garde des Sceaux, le même Dupond-Moretti a profité des moyens disciplinaires de son ministère pour s’en prendre à un juge anticorruption qui avait enquêté sur l’oligarque russe — c’est d’ailleurs l’une des raisons de la mise en examen du ministre pour « prise illégale d’intérêts ». Le savoir, c’est utile. (...)
Relire nos révélations sur l’argent russe — 3 millions d’euros — perçu en 2019 par Nicolas Sarkozy, tandis que la candidate à la présidentielle Valérie Pécresse (LR), mais aussi Éric Zemmour, voudrait faire de l’ancien président français un médiateur officiel du conflit, c’est évidemment utile. A fortiori quand on sait que le contrat russe de Nicolas Sarkozy a été signé avec une société d’assurance contrôlée par deux oligarques adeptes des paradis fiscaux.
Avoir en tête que quand l’opposant à Poutine, Boris Nemtsov, a été assassiné en 2015 alors qu’il s’apprêtait à faire des révélations sur le maître du Kremlin, Jean-Luc Mélenchon écrivait que « la première victime politique de cet assassinat est Vladimir Poutine », c’est loin d’être inutile.
Au-delà des seules questions politiques, on le sait, la France est depuis longtemps un terrain de jeu prospère pour les oligarques russes qui souhaitent y étendre leur influence ou, pire, blanchir leur argent douteux.
Mais c’est aussi le théâtre d’une impitoyable nouvelle guerre froide entre services de renseignement, dont Mediapart a plusieurs fois dévoilé les coulisses [voir ici, ici, et là].
À l’heure où tous les services secrets de toute l’Europe sont en alerte maximale tandis que les bombes russes pleuvent sur le peuple ukrainien, ne pas l’oublier, c’est utile.