Un journaliste camerounais arrêté en août 2019 pour avoir critiqué la gestion par Yaoundé du conflit au Cameroun anglophone est mort en détention, a affirmé Reporters sans frontières (RSF), qui appelle les autorités à faire toute la lumière sur les circonstances de sa mort.
Présentateur de la chaîne de télévision régionale Chillen Media Television, Samuel Wazizi avait été arrêté le 2 août 2019 à Buea, chef-lieu de la région anglophone du Sud-Ouest, selon RSF. Il était accusé « d’avoir tenu sur sa chaîne des propos critiques à l’égard des autorités sur leur gestion de la crise dans les régions anglophones du Cameroun », précise RSF dans un communiqué.
Plus de 3 000 morts
Depuis près de trois ans, des groupes séparatistes et l’armée s’affrontent dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, où vit l’essentiel de la minorité anglophone, qui s’estime marginalisée. Une partie de ces groupes a pris les armes contre Yaoundé et réclame l’indépendance de ce territoire. Les combats, mais aussi les exactions et meurtres commis contre des civils par les deux camps, ont fait plus de 3 000 morts et forcé plus de 700 000 personnes à fuir leur domicile. (...)
Cinq jours après son arrestation, le journaliste avait été « récupéré » par des militaires, affirme RSF. Il n’a alors jamais été présenté devant la justice (...)
Le journaliste était « malade » et serait « mort durant son transfert à Yaoundé à une date inconnue », selon un « responsable militaire de premier plan très proche de l’affaire » cité par RSF. Son avocat et le SNJC affirment qu’il a été torturé lors de sa détention. Son corps est arrivé lundi à la morgue « sous forte escorte », selon une source de l’hôpital militaire de Yaoundé également citée par RSF. (...)
Sur les réseaux sociaux, de très nombreux journalistes camerounais, mais aussi des personnalités de la société civile ou de l’opposition ont exprimé leur indignation à la suite du décès du journaliste, utilisant le hashtag #JusticeForWazizi. (...)
Des centaines de personnes ont été arrêtées depuis le déclenchement de la crise anglophone en 2017 et sont, pour beaucoup, détenues illégalement depuis, selon les organisations de défense des droits humains, qui révèlent régulièrement des cas de tortures.
Depuis 1982, le Cameroun est dirigé d’une main de fer par le président Paul Biya aujourd’hui âgé de 87 ans. (...)
L’appel de l’ONU en mars à un cessez-le-feu dans les régions anglophones pour mieux combattre la pandémie de Covid-19 est resté lettre morte. Jeudi, l’ONU et Human Rights Watch (HRW) ont même dénoncé une intensification des violences contre les travailleurs humanitaires qui opèrent dans ces deux régions, et accusent notamment les groupes armés de multiplier les enlèvements contre les humanitaires. Les forces camerounaises sont également accusées d’y entraver l’acheminement de l’aide.