
Livreurs à vélo, tâcherons du clic, modérateurs… La nouvelle enquête du magazine de France 2 présenté par Elise Lucet s’intéresse mardi à ces nouvelles formes de travail.
« Je fais partie d’une classe de travailleurs invisibles. (…) Et tous ensemble, on entraîne des machines qui vont finir par faire le job et nous remplacer. » Jared Mansfield vit dans l’Oregon, aux Etats-Unis, et classifie des images sur Internet pour 30 cents de dollar de l’heure. Il fait partie de ces innombrables « microtravailleurs », tâcherons du clic, qui, partout dans le monde, à distance, effectuent à la chaîne de minuscules actions, pour des employeurs qu’ils ne connaissent pas toujours.
Le nouveau numéro de « Cash Investigation » va à la rencontre de ces travailleurs mal connus, qui incarnent la face la moins reluisante d’Internet et de ses géants
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Les invisibles du Web, ce sont aussi les modérateurs des grandes plates-formes comme Facebook, payés pour supprimer les contenus les plus atroces du réseau, qu’ils regardent tout au long de la journée dans des open spaces. Muselés par des clauses de confidentialité, rares sont ceux qui osent témoigner – ce qui rend précieux cet épisode de « Cash Investigation », qui en a rencontré plusieurs.
« J’ai vu des choses qui seront en moi pour toujours », confie l’un d’entre eux, qui a fini par abandonner ce travail, payé 800 euros au Portugal (un peu plus du salaire minimum). « On ne vous y prépare pas psychologiquement. (…) Si vous me donnez 1 million d’euros, même 1 milliard d’euros, je ne le referai pas. » (...)
Eviter le contrat de travail
Mais les nouveaux travailleurs de l’ère des algorithmes ne sont pas toujours invisibles. « Cash Investigation » s’attarde ainsi longuement sur la situation des livreurs à vélo d’Uber Eats ou de Deliveroo et fait embaucher un de ses journalistes. Ou presque : les livreurs sont en fait autoentrepreneurs.
« On ne “recrute” jamais », souligne un ancien manageur d’Uber Eats, détaillant la novlangue de l’entreprise. « On “met en place un partenariat”. » Les enquêteurs de l’émission ont même mis la main sur un document interne de Deliveroo listant les termes à bannir (« travail », « CV », « ancienneté »…) et ceux à privilégier (« shift », « fiche de présentation », « durée de prestation »…), pour éviter le spectre du contrat de travail – et les droits et devoirs qui en découlent.
Les livreurs parcourent ainsi les villes au gré des propositions de l’algorithme, qui, en cas de forte demande, les incite, à coups de bonus, à travailler plus vite – comprendre griller les feux et risquer sa vie. (...)
Face à ces graves accusations, le responsable de la communication envoyé par l’entreprise devant Elise Lucet n’en mène pas large. (...)
voir en replay « Au secours, mon patron est un algorithme »