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Ce « charbon de sang » colombien qui alimente les centrales d’EDF
Article mis en ligne le 13 mai 2016

Une grande partie du charbon qui alimente les centrales électriques d’Europe provient de Colombie, où son extraction a été associée à des milliers d’assassinats, des déplacements forcés de population et à un climat de terreur vis-à-vis des riverains et des syndicalistes. Principaux bénéficiaires de ce « charbon de sang » ? Les multinationales minières qui opèrent dans le pays, mais aussi les géants énergétiques européens, comme EDF, qui achètent et négocient ce combustible, aux dépens des droits humains et du climat.

Politique de terreur

Si EDF, dont l’État détient 84%, est surtout connue pour son investissement dans le nucléaire, elle possède également une flotte significative de centrales au charbon en France, au Royaume-Uni, en Pologne, en Italie et en Asie. (Sur ce point, lire nos articles ici, ici, ici et là.) Et un grand nombre de ces centrales se fournissent en charbon en Colombie, auprès des entreprises directement liées à ces assassinats et à ces violations de droits humains : Drummond et Prodeco, une filiale du sulfureux groupe Glencore. (Le troisième grand producteur et exportateur de charbon colombien est El Cerrejón, dont nous avions parlé dans cet article.)

L’arrivée de ces entreprises charbonnières dans la région de Cesar a coïncidé avec la montée en puissance d’un groupe paramilitaire, qui a semé la désolation pendant une dizaine d’années. De nombreux témoignages de repentis suggèrent que ce sont les firmes elles-mêmes qui ont encouragé la création de ce groupe armé, pour sécuriser leurs opérations, intimider les syndicalistes et faciliter le déplacement forcé de populations et l’accès à leurs terres. À ce jour, les victimes de ces abus n’ont reçu aucune forme de compensation. Les entreprises, elles, continuent à engranger aujourd’hui les bénéfices de cette politique de terreur, sans être véritablement inquiétées par la justice. Idem pour les géants européens de l’énergie, comme EDF, Engie et les autres, qui consomment ce charbon, qualifié par les ONG de « charbon de sang » par référence aux précieux minerais qui attisent les conflits d’Afrique centrale. Si le charbon est aujourd’hui très largement montré du doigt pour son impact climatique (il serait responsable à lui seul de presque un tiers des émissions globales de gaz à effet de serre), son extraction et sa combustion dans des centrales électriques sont également une source majeure de pollutions et de problèmes sanitaires, et occasionnent souvent des atteintes aux droits humains. La Colombie en constitue l’un des exemples les plus extrêmes.

Le charbon colombien, un juteux business (...)

La question du « charbon de sang » intéresse également un autre pan de l’activité du groupe EDF, moins connu encore du grand public : ses activités de négoce. Sa filiale à 100% EDF Trading, basée à Londres et à Houston, est considérée comme l’un des principaux acheteurs et transporteurs de charbon au monde. Elle possède notamment un énorme terminal charbonnier dans le port d’Amsterdam, aux Pays-Bas, qui reçoit, stocke et traite du charbon en provenance du monde entier, qui est ensuite revendu à des entreprises énergétiques européennes.
Engagements non contraignants

Quant à Engie, l’autre grande entreprise énergétique française, elle utilise également du charbon colombien au moins dans ses centrales aux Pays-Bas. Sous la pression de la société civile et du gouvernement néerlandais, elle a engagé, avec les autres grandes entreprises énergétiques du pays, le fournisseur colombien Drummond à engager un processus de dialogue avec les communautés et de réparation des violations des droits humains occasionnées par ses activités. Mais selon l’ONG PAX, ces engagements ne se sont pas encore traduits en résultats concrets ; elle en a donc appelé, dans une lettre à huit géants européens dont EDF et Engie, à une suspension pure et simple des importations de charbon colombien.

Dans sa brève lettre de réponse à PAX, dont nous avons pu prendre connaissance, EDF reconnaît le caractère sensible du charbon colombien, mais se refuse à un désinvestissement en se retranchant derrière l’initiative « Bettercoal ». Cette initiative, lancée en 2012 par les grandes entreprises impliquées dans le charbon (dont EDF et Engie), vise à répondre aux controverses sur l’impact social, environnemental et climatique du charbon. Mais elle reste cantonnée, comme le souligne explicitement la lettre d’EDF, à des actions purement volontaires, sans transparence et sans responsabilisation effective des entreprises qui ne respecteraient pas leurs engagements. Rien de très convaincant, donc, pour les ONG.

Une seule entreprise, la danoise Dong, a pour l’instant accepté de cesser toute relation avec Drummond et Prodeco. À l’occasion de son Assemblée générale ce 12 mai 2016, la pression se déplace sur EDF. (...)