
Alors que l’opportunité d’une intervention militaire extérieure en Syrie fait débat, quel est l’état des lieux de l’opposition armée à la dictature de Bachar El-Assad ? Régulièrement assimilée aux jihadistes proches de la mouvance Al-Qaïda, qui profitent de la contestation pour combattre aussi le régime, l’opposition laïque s’en est pourtant bien démarquée. Comme le montrent la charte des membres de l’Armée syrienne libre, ainsi que le texte fondateur adopté par le congrès de l’opposition, que nous présente Françoise Clément, membre de la commission internationale de l’association Attac.
La direction de la partie armée de l’opposition syrienne ne sont pas Al Qaïda mais les officiers déserteurs de l’armée syrienne. Certes il existe de groupes jihadistes comme le Front al-Nosra qui ont déclaré leur allégeance à Al Qaïda et qui mènent des combats contre les troupes du régime, parfois en coordination avec l’Armée syrienne libre (ASL), parfois contre son avis. Ce n’est pas l’ASL qui a fait venir les jihadistes en Syrie, c’est le régime qui les a libérés de prison après le début des manifestations. D’autre part, le régime laisse passer des groupes jihadistes venant de l’étranger aux postes frontières qu’il contrôle (en les abandonnant après une bataille contre ces mêmes jihadistes).
Les groupes jihadistes ne font pas partie du commandement unifié de l’ASL, composée de civils et de déserteurs originaires des villes et villages bombardés par le régime, pour avoir manifesté pacifiquement contre lui. D’après le chef d’état-major de l’ASL, les effectifs des groupes jihadistes, syriens et étrangers, seraient d’environ un dixième de ceux de l’ASL (soit près de 10 000 combattants, l’ASL en revendiquant 80 000, ndlr). Celle-ci n’est pas une armée d’État hiérarchisé et disciplinée. Elle est composée de regroupements locaux de volontaires civils et de déserteurs, organisés en brigades, qui réagissent à la répression. Elle fonctionne davantage comme un ensemble de réseaux de résistance indépendants qui se sont progressivement réunifiés tout en conservant une certaine autonomie. (...)
Le projet politique des fondateurs et de la direction de l’ASL épouse celui de la Charte de l’opposition laïque réunie au Caire le 3 juillet 2012. Celle-ci stipule notamment que « les femmes sont égales aux hommes, et il n’est pas permis de contester ou déroger à aucun de leurs droits acquis. De même, tout citoyen, homme ou femme, a le droit d’occuper toute fonction de l’État, y compris celle de président de l’État, indépendamment de sa religion et de son ethnie. »
Des groupes locaux de l’ASL peuvent décider de combattre avec des groupes jihadistes ou le refuser, voire combattre contre eux, selon la situation et les rapports de force locaux. (...)
Selon les déclarations des dirigeants militaires (commandement unifié de l’ASL) et politiques du Conseil national syrien (CNS) de l’opposition, l’ASL ne peut pas se battre à la fois contre les jihadistes et contre le régime. Ses combattants sont déjà très investis dans la défense de leurs propres quartiers et ne peuvent être présents sur tous les fronts. C’est pourquoi sa direction a accepté jusqu’à présent de laisser les jihadistes mener une grande partie des combats contre des bases militaires du régime, sachant que l’ASL seule n’en avaient pas les moyens humains et militaires.
Les dirigeants du CNS et de l’ASL, estiment qu’ils ne sont pas en capacité de se débarrasser des jihadistes, tant que l’ASL doit faire face aux attaques du régime et de ses alliés du Hezbollah ou de l’Iran, et parce que les civils volontaires qui la composent se battent pour ce dont ils sont convaincus, pas sur des ordres politiques venant du sommet. Les textes et déclarations de l’opposition prévoient que, dès la chute du régime, l’armée syrienne et l’ASL seront réunifiées, après avoir désarmé les groupes de l’armée libre qui ne seraient pas intégrés dans l’armée régulière et les jihadistes. (...)
Voici la Charte de l’ASL, rendue public en août 2012 ainsi que la Charte du Caire adoptée par l’opposition syrienne, dont l’ASL, réunie à la Ligue arabe le 3 juillet 2012. (...)