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Mr Mondialisation
Ce que vous devez savoir avant d’acheter du chocolat à Pâques
Article mis en ligne le 9 avril 2020

Dans quelques jours, ce sera Pâques. Et qui dit Pâques, dit (sur)consommation de chocolat transformé sur une courte période. Or, derrière le marketing alléchant des grands industriels, il y a avant tout une industrie très peu éthique : l’industrie du cacao. Avant d’acheter vos prochains chocolats, nous vous invitons alors à réfléchir sur l’impact écologique et social de la filière de cacao à travers le monde.

D’un côté, six grands industriels (Mars, Nestlé, Ferrero, Mondelez International, Hershey, Lindt & Sprüngli), possèdent 55% du marché mondial – entre 80 et 100 milliards de dollars par an. De l’autre, des millions de petits producteurs, s’échinent toute l’année pour moins de deux dollars par jour afin de fournir la matière première.

L’industrie du cacao, c’est avant tout un marché d’inégalités. Alors que l’Afrique de l’Ouest représente la première région productrice au monde, à hauteur de 70% de la production mondiale, l’Afrique ne consomme que 3% de la production de fèves de cacao. Tandis que l’Europe en consomme 48%. L’industrie européenne du chocolat est la plus grande au monde (...)

Or, pour satisfaire nos papilles, ce sont chaque année des milliers d’hectares de forêts naturelles qui sont déboisées, des sols et de l’eau pollués ainsi que des petits producteurs exploités. Le Bureau d’Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne le dévoilait en 2016, dans son étude « La face cachée du chocolat » : cette consommation a un impact social et environnemental conséquent. Explications.
Une empreinte écologique considérable (...)

L’industrie du cacao est la première cause de déforestation en Côte d’Ivoire et au Ghana. (...)

environ 13 millions d’hectares ont disparu depuis les années 1960, en partie à cause du cacao, soit 80 % de la forêt ivoirienne originelle. (...)

La déforestation liée à l’industrie du cacao constitue aussi un catalyseur du réchauffement climatique. Puisque les forêts retiennent le CO2, leur destruction provoque un important relâchement de carbone dans l’air. Cette situation mène à l’estimation suivante : produire 1 kilo de cacao brut équivaut à 3.8kgs de CO2. A titre de comparaison, sachant qu’une voiture relâche en moyenne 0.13 kg de CO2 par km parcouru, 1 kilo de cacao brut équivaut à un trajet en voiture de 29 kilomètres.

Mais ce n’est pas tout. En plus d’accélérer le dérèglement climatique, l’industrie du cacao est très gourmande en eau ; dans des pays producteurs où l’accès à l’eau potable est encore limité. Une tablette de chocolat requiert 3 400 litres d’eau pour être produite ! (...)

Une grande partie des chocolats en grande surface, notamment ceux vendus par les six grands industriels cités plus haut, sont composés d’huile de palme. Or la production d’huile de palme est dévastatrice pour l’environnement, même quand elle est déclarée « durable ». Par ailleurs, l’industrie du cacao abuse bien souvent d’intrants chimiques agressifs, provoquant ainsi une forte pollution des sols et des menaces en terme de santé. Afin de maintenir leurs rendements et leurs revenus, conséquence de la pression des marchés internationaux sur la matière première, les producteurs sont souvent contraints de recourir à ces produits pour maintenir la tête hors de l’eau.

Il est également important de se rappeler toutes les étapes nécessaires à la transformation des fèves de cacao en chocolat. Ce dernier est un produit très transformé, mais pourtant peu cher et très accessible en Europe. Or ce sont les petits producteurs qui font les frais d’un si petit prix dont une très grande partie est par ailleurs accaparée par la marque. (...)

Pour une tablette de chocolat conventionnelle, seulement 4% à 7% du prix final revient au producteur, tandis que le revendeur touche environ 44 % et l’artisan chocolatier 35% (selon l’Organisation Internationale du Cacao). La majorité des producteurs a donc une situation particulièrement précaire : à titre d’exemple, cinq millions d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté en Côte d’Ivoire. (...)

Afin d’augmenter leurs revenus, les producteurs ont recours à une logique de productivité, et notamment à l’usage d’intrants chimiques nocifs pour leur santé et au travail des enfants. Un journaliste de FranceTV, Miki Mistrati, a enquêté sur le terrain. Ses découvertes sont révélées dans un article édifiant, lequel lève le voile sur les conditions de travail des enfants – entre 300 000 et 1 million – qui travaillent dans les cacaoyères ivoiriennes. Ces enfants esclaves dans les plantations de cacao en Côte d’Ivoire, sont originaires du Mali, du Burkina Faso, du Niger, du Nigeria, du Togo et du Bénin. Ils sont parfois enlevés de force très jeunes, à l’insu de leurs parents, entre 12 et 14 ans. Dans le « meilleur » des cas, ils sont achetés. Dans le marché du chocolat, un enfant-esclave vaut environ 230 euros. En contrepartie de cette somme, l’enfant est exploité le plus souvent sans aucune rémunération. (...)

Bien que les six grands industriels du chocolat le nient, c’est un fait : la production mondiale de chocolat implique le travail des enfants et un désastre écologique majeur. (...)

la production de cacao, c’est aussi l’accentuation des inégalités entre les hommes et les femmes. Oxfam l’affirme : les exploitations de cacao, souvent détenues par des hommes, nourrissent aussi les inégalités de genre. À l’instar des enfants, les femmes sont exploitées et sous-payées. Quand elles entreprennent des projets de production équitables, elles ne sont pas autant soutenues par les autorités que leurs homologues masculins.

Ainsi, « La déforestation, le travail des enfants et l’insécurité alimentaire sont les trois principaux impacts que la filière du cacao engendre sur les petits producteurs et leurs familles » (...)

Une industrie profondément capitaliste

Les estimations du Basic le montrent : l’impact environnemental et social de l’industrie du cacao est moins importante pour le cacao dit « durable » ou « équitable ». Acheter du chocolat certifié, plus cher, serait alors une manière de rémunérer plus justement les petits producteurs. Autrement dit, acheter moins mais mieux.

Or, consommer responsable, c’est aussi penser au fait que nous, consommateurs occidentaux, avons des privilèges. Et notamment en Europe : alors que nous consommons 48% de la production mondiale de fèves de cacao, l’Afrique n’en consomme que 3%. L’Afrique de l’Ouest produit pourtant 70% de la production mondiale. Alors, pourquoi un tel écart ? La matière première, le cacao, est produite en Afrique or elle est transformée en chocolat en Europe. Le chocolat transformé est donc une denrée rare, voire luxueuse, car très chère pour le continent africain. (...)

Mais, consommer responsable, c’est aussi penser à la logique capitaliste qui sous-tend la filière du cacao. La production conventionnelle amène les producteurs à organiser leur production à l’aune de la logique de productivité (intrants chimiques, travail des enfants, entre autres). Les conséquences sociales et environnementales s’ensuivent. Pourtant, les grands industriels, continuent de faire du profit sur ces injustices ; et encore plus lors des fêtes de Pâques. (...)

Face à ce cynisme structuré, pas d’autre choix que d’acheter du chocolat de meilleure qualité, certifié, éthique, en refusant de céder aux besoins et tentations créées par un marketing profondément capitaliste. Moins, mais mieux. (...)