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Observatoire des multinationales (ODM)
Libertariens et plus si affinités ? Chez les patrons français de la crypto, la tentation de l’extrême droite
#multinationales #crypto #extremedrotie #bitcoin
Article mis en ligne le 22 novembre 2025
dernière modification le 15 novembre 2025

Pierre Noizat est à la tête de Paymium, une bourse d’échange en crypto-actifs. Éric Larchevêque a confondé Ledger, fleuron français de la cryptographie. Le premier affiche sa proximité avec Reconquête ! quand le second appelle les entrepreneurs à s’expatrier. Deux piliers de la scène crypto française, deux nuances de radicalité libertarienne, l’une ouvertement alignée sur l’extrême droite et l’autre promettant une « alternative entrepreneuriale radicale ». Portrait en miroir.

Première partie : Le paléo-libertarien

Clameurs, applaudissements et surchauffe générale au Casino de Paris. En cette soirée du 24 juin 2025, le patron de la crypto Pierre Noizat vient de faire son entrée sur la scène du Sommet des Libertés, le grand rassemblement des droites « libérales » à tendance radicale et extrême (lire notre article).

Le patron de Paymium, l’un des premiers « exchanges » européens pour l’achat et la revente de crypto-actifs, s’exprime ce soir là devant une audience chauffée à blanc par les interventions successives de partisans des « libertés ». Sa prise de parole est précédée d’une vidéo de la plateforme de formation Plan B Network qui promet une initiation à l’investissement en cryptos, « technologies de liberté ». Sur scène, Pierre Noizat siège en majesté et déroule un discours calibré pour résonner avec un public où se mêlent entrepreneurs libertariens et dénonciateurs d’un prétendu « déclin français ». Défense du « pluralisme monétaire » et du droit à choisir sa propre monnaie, dénonciation d’un « endoctrinement monétaire » qui commencerait selon lui « dès l’école », condamnation du monopole de la Banque centrale européenne (BCE), descente en règle de la « planche à billets », une « drogue » responsable de multiples effets indésirables, dont un « étatisme » jugé nocif, surtout lorsqu’il sert à financer « le fameux modèle social »... Brandissant la menace d’une déliquescence avancée de nos économies, précipitée par le chaos monétaire dans lequel se trouverait la France, il avance une solution unique : Bitcoin. (...)

Plus tard, la discussion glisse vers des considérations d’ordre sécuritaire, un thème que la patron de la crypto évoque fréquemment lors de ses prises de parole publiques. Après que sa fille a été victime d’une tentative d’enlèvement, en plein jour dans les rues du 11e arrondissement de Paris, il s’était déjà alarmé sur BFM d’une « mexicanisation de la France ». Sur Thinkerview, il dénonce une « mise en danger » collective qui serait le fait d’une politique de sécurité trop laxiste. Les deux interviewés prennent pour exemple Nayib Bukele, le président salvadorien pro-Bitcoin autoproclamé « dictateur le plus cool du monde » et architecte de la construction de « méga-prisons » décrites par la presse comme de véritables « enfers » carcéraux. Convaincus de la nécessité d’importer ces méthodes ultra-sécuritaires en France, ils se réjouissent des résultats obtenus par un président salvadorien qui met régulièrement en avant une baisse de la criminalité de « 90% » depuis 2015 au Salvador. (...)

Cette rhétorique l’a rapproché de Reconquête !, le parti d’Éric Zemmour et de Sarah Knafo. Pierre Noizat affiche sa proximité avec cette dernière, qui s’est positionnée en porte-voix politique de l’écosystème crypto français. En juin 2025, ils se sont chaleureusement salués à l’occasion de la conférence internationale annuelle dédiée à Bitcoin à Prague. (...)

Le patron de Paymium est également proche du Parti mileiste français, une organisation informelle dont la doctrine se diffuse principalement grâce à un compte X comptant 46 500 abonnés, dont nombre de figures françaises de la crypto. « Afuera ! » (Tous dehors, ndlr) : Pierre Noizat n’hésite pas à faire sien le slogan « dégagiste » du président anarcho-capitaliste d’Argentine, Javier Milei. (...)

Le programme du Parti mileiste français prévoit 670 milliards d’euros d’économies budgétaires et 510 milliards d’euros de baisses d’impôts. Un véritable choc austéritaire qui se promet aussi de mettre les institutions judiciaires à l’os et de construire 100 000 places de prison supplémentaires, financées par une suppression massive des diverses prestations sociales et filets de sécurité de l’État providence. (...)

Bouture idéologique

Reprenant les craintes néo-malthusiennes d’une partie de l’extrême droite, l’homme d’affaires s’inquiète également d’une « crise démographique », avec dans le viseur certains pays d’Afrique où la population serait, selon lui, contrainte de se reproduire afin de financer leur vieillesse, en l’absence d’un système de retraite institutionnel. Une « surnatalité » qui conduirait inévitablement à des dommages écologiques irréparables et trouverait son exutoire en France et en Europe. Le patron de la crypto regarde d’un bon oeil la proposition du Parti mileiste français de se prémunir d’un possible « Grand remplacement » en favorisant une « immigration choisie » (...)

Deuxième partie : Le golden boy hayekien

« Ils ont leur petit livre rouge, nous avons le nôtre. » En ce 13 septembre 2025, Éric Larchevêque affiche une mine grave et déterminée. Sur son compte X suivi par environ 76 000 personnes, il vient de poster un portrait de lui tenant un exemplaire rouge sang de La route de la servitude, de Friedrich Hayek, un économiste ultralibéral convaincu que l’intervention de l’État ne peut mener qu’au totalitarisme. Le post est vu plus de 336 000 fois, « liké » 3000 fois et génère quantité de commentaires. Certains croient voir émerger le « Milei français », un « véritable représentant de la liberté en France », quand d’autres moquent cet « Elon Musk du pauvre ».

Avec ce geste symbolique, Éric Larchevêque entend tracer une ligne au sol, affirmer un clivage. Il y a « eux » — les gauchistes, les « socialistes » ou, pire, les communistes. Mais aussi tous les partis coupables, selon lui, de ne pas assez sanctifier les « libertés », au premier rang desquelles, la liberté d’entreprendre sans payer trop d’impôts. Et puis le « nous » — les dissidents, les partisans d’une liberté sans entrave et de l’ordre spontané des marchés. Ceux qui ont d’ores et déjà fait le choix d’avaler la « orange pill », cette « pilule » censée représenter Bitcoin.

Dans les semaines qui suivent, Éric Larchevêque écumera les plateaux télévisés et les pages des magazines pour dire tout le mal qu’il pense de la taxe Zucman, qui pourrait le conduire à reverser 7 millions d’euros par an à l’État français. (...)

Juré de l’émission « Qui veut être mon associé ? »sur M6, Éric Larchevêque dispose d’une tribune de choix pour célébrer les « valeurs de l’entrepreneuriat » qu’il prétend incarner

(...) Bien qu’hostile au jeu politicien, Éric Larchevêque s’affirme plus que jamais comme une figure politique.