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Mediapart
Centrafrique : une opération d’influence de l’armée française tourne au fiasco
Article mis en ligne le 19 décembre 2020

Facebook a annoncé, mardi 15 décembre, avoir démantelé trois réseaux de faux comptes utilisés à des fins de propagande : deux d’origine russe et un troisième lié à l’armée française. L’opération, qui visait notamment à défendre les intérêts français en Centrafrique et au Mali, a manifestement tourné au fiasco. (...)

L’ours a la bouche ouverte dans un rictus de satisfaction. Sur sa tête, une chapka arborant l’étoile rouge soviétique. Sur son postérieur, un sous-vêtement aux couleurs du drapeau russe. Entre ses griffes, son butin : le continent africain recouvert par un sac débordant de diamants. L’auteur de cette œuvre, postée sur Facebook en juin 2020, est, selon toute vraisemblance, un fonctionnaire français.
Le compte qui l’a postée fait en effet partie d’un réseau de faux comptes liés à l’armée française et supprimé par l’entreprise américaine pour « comportement inauthentique coordonné » ; en d’autres termes, pour avoir tenté d’influencer les opinions publiques de plusieurs pays d’Afrique sur les réseaux sociaux grâce à des trolls mentant sur leur identité.
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Facebook a annoncé la suppression de ce réseau mardi 15 décembre, en même temps que celle de deux autres réseaux, liés eux à la Russie. Qui sont les patrons de ces centaines de trolls ?

Côté russe, le réseau social désigne nommément Evgueni Prigojine, oligarque accusé par la presse russe de financer les « usines à trolls » pro-Kremlin (mais aussi d’être le fondateur du Groupe Wagner, une société militaire privée dont les mercenaires sont présents en Centrafrique).

Côté français, le communiqué de Facebook est plus prudent : il s’agit de comptes « liés à des individus associés à l’armée française ».
Le fait que les forces armées françaises soient directement ou indirectement à l’origine de cette campagne fait toutefois peu de doutes. Le ministère des armées n’a pour l’instant pas apporté de démenti.
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Plus généralement, ce type de campagne en ligne serait plutôt en phase avec deux tendances de fond concernant les opérations françaises. D’abord, le fait que les opérations d’influence (aussi appelées « opérations psychologiques »), en ligne ou non, connaissent selon certains observateurs un regain d’intérêt aux yeux du commandement français. Ensuite, la montée en puissance de « l’arme cyber » dans les opérations militaires hexagonales, incarnée par la création en 2017 d’un « commandement des forces de cyberdéfense des armées françaises », puis par l’adoption en 2018 d’une doctrine de « lutte informatique offensive ».

Les trois réseaux de trolls supprimés par Facebook avaient pour point commun de faire campagne sur des sujets liés au continent africain : principalement la République centrafricaine (RCA) et le Mali pour le réseau français ; la RCA, le Soudan mais également la Libye et la Syrie pour les réseaux russes.

Côté russe, le réseau de faux comptes postant des messages à propos de la République centrafricaine comptait 63 comptes, 29 pages, 7 groupes Facebook et un compte Instagram. Le réseau français, lui, était constitué de 84 comptes, 6 pages et 9 groupes Facebook, 14 profils Instagram, deux chaînes Youtube et au moins 20 comptes Twitter.

Le fait que des trolls russes et français se retrouvent à mener bataille sur le même terrain virtuel – la Centrafrique – n’est guère étonnant, tant la rivalité entre les deux États est palpable dans l’ancienne colonie française, où Moscou est parvenue en quelques années à s’implanter.

des faux comptes qui, non contents d’être insultants (y compris sexistes et homophobes), se sont également révélés dangereux, diffusant des mensonges et attisant le complotisme qu’ils disaient combattre. (...)

Les faux comptes liés à la France, relèvent aussi bien Facebook que le rapport conjoint Graphika/Stanford, se sont concentrés sur la dénonciation de l’influence russe en Centrafrique ainsi que sur des messages positifs concernant l’action des forces armées françaises et de leurs alliés. (...)