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Ces artisans pêcheurs qui refusent l’exploitation industrielle de la Méditerranée
Article mis en ligne le 4 décembre 2014
dernière modification le 28 novembre 2014

Une prud’homie de pêche, cela vous dit quelque chose ? Ces communautés d’artisans pêcheurs, héritées du Moyen Âge, font aujourd’hui figure d’alternatives face aux dégâts écologiques et sociaux engendrés par la pêche industrielle. Sur le littoral méditerranéen, des Pyrénées-Orientales aux Alpes-Maritimes, une trentaine de prud’homies de pêche arrivent à concilier l’exercice du métier, la solidarité et le respect de la biodiversité.

(...) Dans la pratique, il s’agit d’adopter – à la majorité – des règlements en assemblée générale. Ceux-ci précisent comment doit s’exercer le métier : les types de lignes autorisés, les temps de trempage des filets, les périodes de pêches prévues pour laisser reposer les fonds, ainsi que les zones de pêche permises. « Ce qui motive nos décisions, c’est le respect de la personne et des générations futures », insiste le pêcheur varois. « On vise à préserver le renouvellement de la ressource sur le territoire, afin d’assurer la vie de la communauté de pêcheurs dans le temps », ajoute Élisabeth Tempier, secrétaire de la prud’homie de Sanary-sur-Mer. (...)

Les règlements limitent les engins de pêche et donc la quantité de poisson pêchée. La taille des bateaux n’excède pas 12 mètres. Des mesures spécifiques de protection sont également prises pour certaines espèces comme la langouste. Et quand le règlement ne suffit pas ? « Nous procédons à un tirage au sort entre les patrons-pêcheurs lorsqu’ils sont en compétition pour les mêmes postes », illustre Jean-Michel Cei, élu « premier prud’homme » en 2004 par sa communauté.

« On ne laisse pas mourir les pêcheurs dans leur coin »

La dimension culturelle et sociale des prud’homies est très forte (...)

La polyvalence est l’autre pilier des prud’homies. « C’est la véritable richesse, souligne Jean-Michel Cei. Il faut pouvoir se reporter sur une autre espèce quand celle visée par le pêcheur commence à chuter. » Au lieu d’investir dans des bateaux très puissants, les patrons-pêcheurs s’adaptent à leur environnement, et au passage au large des différentes espèces. « La pêche, ce sont des logiques de territoires avec des milieux qui évoluent très rapidement, observe Élisabeth Tempier. C’est tout le contraire de la politique européenne qui concentre l’effort de pêche sur quelques espèces. » (...)

Jusque dans les années 1960, les prud’homies de patrons-pêcheurs ont été le relais reconnu par l’État pour une gestion décentralisée de la pêche méditerranéenne. Avec la mise en place de la politique européenne commune de la pêche, les prud’homies peinent à faire valoir leurs droits au niveau européen et national. (...)

Le travail mené par les prud’homies méditerranéennes, sans équivalent sur les autres côtes, a attiré l’attention de Michèle Mesmain de Slow Food International, une organisation qui a pour objectif de sensibiliser les citoyens à la consommation responsable. Ces derniers mois, elle a accompagné les patrons-pêcheurs de Sanary-sur-Mer dans la création d’une Sentinelle : un projet de l’ONG en faveur de la sauvegarde et la promotion du patrimoine alimentaire et de la biodiversité agricole.

« La prud’homie est un modèle de gouvernance locale qui a fait ses preuves, qui colle au territoire, qui pérennise des savoirs, des métiers et la ressource, qui permet de gérer les difficultés au cas par cas avec justesse et souplesse, tout en assurant des retombées économiques locales », explique-t-elle. Les membres de la prud’homie de Sanary-sur-Mer espèrent que le projet Sentinelle rendra visible leur institution auprès du public comme des dirigeants français et européens. En vue de faire reconnaître que la seule logique durable pour la pêche se joue à l’échelle du territoire.