
Industrie, écologie et syndicalisme peuvent faire bon ménage. La preuve ? Face aux menaces de fermeture, les projets alternatifs portés par des salariés d’usines se multiplient : métallos lorrains de Florange, ouvriers provençaux de Fralib ou salariés normands de Petroplus… Ces « syndicalistes entrepreneurs » ont été reçus par le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, pour présenter leurs projets. Loin des clichés et des stigmatisations dont les syndicats font l’objet de la part du Président sortant.
« La réindustrialisation, tout le monde en a plein la bouche avec la présidentielle. Mais notre combat ne s’arrêtera pas à l’échéance électorale », lance Jacky Mascelli, délégué CGT à l’aciérie de Gandrange, en Moselle. Face aux fermetures ou aux licenciements qui frappent leur site de production, ils sont de plus en plus nombreux, ces salariés et syndicalistes, à inventer des alternatives. Grande nouveauté : elles ne consistent pas seulement à préserver des emplois, mais répondent à des préoccupations écologiques. (...)
Alors que le Président sortant choisit de stigmatiser les syndicalistes des deux principales confédérations (CGT et CFDT), d’autres candidats préfèrent les écouter et dialoguer. « C’est un exercice sans précédent auquel nous nous livrons ce matin en liant la question de l’industrie à l’écologie », se réjouit Jean-Luc Mélenchon. Au menu, l’écologie sociale et ouvrière. Exemple avec les sidérurgistes oubliés de Sarkozy depuis quatre ans à Gandrange, en Lorraine, où ils espèrent encore pouvoir fondre et couler de l’acier. (...)
Entre un bilan carbone catastrophique et le non-sens économique de l’approvisionnement à distance, la CGT de Gandrange propose « de couler l’acier sur place ». Et pour ce faire, d’« être approvisionné par une aciérie électrique moins consommatrice de carbone qu’un haut fourneau ». L’acier serait fabriqué avec des métaux récupérés, comme la ferraille produite dans la région. Problème : ArcelorMittal, malgré son chiffre d’affaires de 71 milliards d’euros en 2011, traîne des pieds pour investir les 120 millions d’euros nécessaires à la construction du four électrique. « Trouver l’argent, c’est rien, et l’acier est stratégique en France. Ce qui est important, c’est de savoir si le projet est viable », estime le candidat du Front de gauche. « On sait faire sans ArcelorMittal, le problème, c’est qu’on n’a pas le portefeuille clients », nuance Jacky Mascelli. (...)
Les syndicalistes de Florange, récemment accusés par Sarkozy de « faire de la politique » (sic), sont aussi présents. « Que Sarkozy sache qu’on n’a pas que des mains, mais qu’on a aussi un cerveau », lance l’un d’eux.
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À Gémenos, dans les Bouches-du-Rhône, les « fralibiens » continuent d’occuper leur usine de thés et de tisanes depuis un an et demi (lire notre reportage). Gérard Cazorla, délégué CGT, rappelle comment la multinationale anglo-néerlandaise Unilever a dépossédé en dix ans les salariés de leur entreprise. Avant d’annoncer la fermeture du site de Gémenos en septembre 2010. « Dès le début, nous avons développé un projet alternatif qui démontre que notre usine est rentable », souligne Gérard (ce que conteste la direction). « Auparavant, l’usine amortissait les coûts pendant les quatre premiers mois, et Unilever rémunérait les actionnaires le reste de l’année. » Sur la période 2010-2011, la multinationale agroalimentaire a ainsi distribué 1,3 milliard d’euros de dividendes en France. « Dans notre projet, nous ne garderons pas les actionnaires ! », promet-il. (...)
L’écologie ouvrière fera-t-elle de nouveaux émules ? L’enjeu immédiat, pour les salariés de M-Real, de Petroplus ou de Fralib, est de trouver les investissements nécessaires. Au Front de gauche, on se réjouit que l’idée de planification écologique (lire notre entretien avec Jean-Luc Mélenchon) s’appuie désormais sur des projets industriels alternatifs concrets, intégrant les enjeux environnementaux, et portés par les premiers concernés, les salariés. Une double révolution.