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Ces pays vendeurs d’armes qui profitent bien de l’instabilité du monde et du regain des tensions
Article mis en ligne le 4 juillet 2015
dernière modification le 30 juin 2015

Les exportations d’armes tricolores se portent au mieux. La France est le cinquième pays vendeur d’armes au monde et l’un des principaux fournisseurs des émirats et dictatures du Moyen-Orient. Un état de fait qui suscite à peine le débat, alors que le Parlement est censé contrôler le respect d’un minimum de critères encadrant ces exportations sensibles.

Pire, le gouvernement français se féliciterait presque du regain des « tensions internationales », qui dynamise le complexe militaro-industriel. La France n’est pas une exception en Europe où plusieurs fabricants d’armes sont sous le feu des critiques, comme en Allemagne qui, malgré l’austérité, a allègrement vendu ses équipements à la Grèce. Un premier Traité international sur le commerce des armes doit cependant entrer en vigueur sous l’égide de l’Onu. Enquête et cartes interactives.

Un secteur ne connaît pas la crise : celui des exportations d’armes de guerre. Avec plus de huit milliards d’euros de commandes en 2014, l’industrie française de l’armement a réalisé l’année dernière le résultat « le meilleur jamais enregistré », se félicite le gouvernement [1].

Blindés, missiles, frégates, avions et hélicoptères de combat de fabrication tricolore se vendent bien et un peu partout : en Europe, en Asie, dans les pays du Golfe, et quelle que soit la nature des régimes en place. (...)

« Les tensions internationales poussent de nombreux États à renforcer leurs capacités militaires, en particulier dans les zones les plus instables (Moyen-Orient) ou les espaces sur lesquels la souveraineté est disputée (mer de Chine), et des contrats importants ont été conclus en 2014. Dans cet environnement incertain, la France est parvenue à augmenter de façon très nette ses exportations de défense », se félicite le gouvernement dans son dernier rapport au Parlement sur les exports d’armes, rendu public le 2 juin. (...)

Des critères de prudence bafouées

La position commune des pays de l’UE, adoptée en 2008, soumet aussi les autorisations à des critères comme le respect par le pays destinataire des droits de l’homme et du droit humanitaire international, la situation interne dans le pays de destination, la préservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionale, l’attitude du pays acheteur envers le terrorisme, l’existence d’un risque de détournement du matériel et la compatibilité des exportations d’armes avec la capacité économique du pays bénéficiaire.

L’interprétation de ces critères est laissée à la liberté des États exportateurs. Manifestement, la majorité d’entre eux jugent qu’ils ne concernent pas l’Arabie Saoudite (avec la France, le Royaume Uni, l’Allemagne et l’Espagne sont de gros fournisseurs d’armes au royaume saoudien), ni Israël. La France semble estimer que ces règles sont compatibles avec la vente d’avions de combat à l’Égypte du président Al Sissi. La position commune stipule pourtant que les États « refusent l’autorisation d’exportation s’il existe un risque manifeste que la technologie ou les équipements militaires dont l’exportation est envisagée servent à la répression interne » (voir notre article). (...)

Un nouveau traité pour « limiter la corruption »

Les régulations existantes en Europe semblent totalement inefficaces. Le commerce global des armements a d’ailleurs encore augmenté ces dernières années. Le nouveau traité international, en vigueur depuis décembre, va-t-il y changer quelque chose [7] ? « Ce traité est une grande avancée au plan universel », estime Aymeric Elluin, chargé de campagne à Amnesty France. C’est le premier traité international visant à réglementer les transferts d’armes classiques : chars, blindés, hélicoptères et avions de combat, navires de guerre, missiles, systèmes d’artillerie, armes légères… Il vise à obliger les États à évaluer les risques des ventes d’armes avant d’en autoriser l’exportation.

Le texte impose par exemple de tenir compte des risques de corruption, pour la paix et la sécurité, mais aussi de violations graves des droits de l’homme ou du droit international humanitaire. Les États devront aussi communiquer les informations sur leurs ventes d’armes. « Le traité vise à introduire, à côté des intérêts légitimes des États en terme de sécurité, d’économie ou de géopolitique, le nécessaire respect des droits des populations civiles, qui souffrent des armes et de leurs mauvaise utilisation », analyse Aymeric Elluin.

130 États ont signé le traité pour l’instant. 69 l’ont ratifié, dont la France et quasiment toute l’Union européenne [8]. Une première conférence des États parties se tient cet été pour décider de ses modalités de mise en œuvre. (...)

Qu’en pensent les salariés des usines d’armement ?

Autre argument incontournable : l’emploi. 27 500 emplois « directs et indirects » sont liés aux exports d’armements français, selon les chiffres du gouvernement. Qu’en pensent les salariés du secteur ? « Les armes ne sont pas des marchandises », dit Jean-Pierre Brat, électromécanicien et délégué central CGT à Nexter, une filiale du Groupement industriel des armements terrestres (GIAT), qui fabrique blindés et artillerie.

Cette ancienne entreprise d’État va très prochainement être privatisée, ainsi que ses filiales. Le gouvernement l’a décidée cette année dans l’article 47 de la loi Macron, en cours d’adoption. À terme, le rapprochement avec le fabriquant allemand de chars Krauss-Maffei Wegmann (KMW) est prévu. « Ce projet n’a pas d’autres buts que l’exportation. L’objectif, c’est de se positionner sur les marchés de l’autre. Chacun veut faire grandir son réseau commercial pour vendre plus. Et tout ça va passer par une rationalisation. » Le futur siège de l’entreprise prendra par exemple place aux Pays-Bas, un pays qui offre des conditions fiscales avantageuses. « Et avec un siège en Hollande, nous n’aurons plus de représentant du personnel au conseil d’administration », déplore Jean-Pierre Brat. (...)