
Après une ultime rencontre lundi, les tentatives de la CFDT et de ses alliés pour obtenir une amélioration de la réforme de 2023 se soldent par un échec cuisant. Le premier ministre a annoncé qu’il allait recevoir les partenaires sociaux dans la matinée pour chercher « une voie de passage ».
Et au bout du bout, l’échec. Après seize journées de négociations étalées sur plus de quatre mois ; après un ultime report décidé le 17 juin pour tenter d’arracher une bribe de compromis ; après un ultime après-midi de discussions de plus en plus tendues lundi 23 juin ; après une dernière suspension de séance… Le « conclave » sur les retraites s’est achevé sans accord peu avant 23 heures lundi.
Devant la presse, Yvan Ricordeau, numéro deux de la CFDT, a acté le fiasco des échanges qui se sont éternisés depuis le 27 février entre deux organisations patronales (Medef et CPME) et trois syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC) – l’U2P, la CGT et FO ont quitté le navire mi-mars.
« Le patronat a fermé la porte aux syndicats, notamment sur la proposition que les salariés les plus exposés à la pénibilité n’aient pas le même effort à faire que les autres » sur l’âge de départ, a exposé le négociateur syndical en chef.
Depuis quatre mois, il pèse de tout le poids de la CFDT pour tenter d’arracher un accord pas trop déshonorant et obtenir de la part des représentants des employeurs ce qu’il est devenu commun d’appeler des « bougés ». « La discussion s’arrête », a-t-il conclu. L’amertume pointe. « Pour aboutir, il fallait être deux. Le patronat a clairement poursuivi sa stratégie de l’échec », a-t-il déploré. (...)
Pourquoi la position du patronat aurait-elle été différente ? Dès le départ, le premier ministre avait indiqué que, faute d’accord, la réforme de 2023 pleine et entière continuerait de s’appliquer, ce qui convenait parfaitement aux employeurs. Les positions de négociation étaient biaisées dès l’origine. « On n’y arrivera pas », avait prédit le 17 février Frédéric Souillot, le dirigeant de Force ouvrière (FO).
Les femmes restent les grandes perdantes
Les syndicats n’auront donc rien obtenu, même après avoir accepté d’abandonner leur principal mot d’ordre, celui de modifier l’âge légal de départ. Rien sur les autres mesures d’âge, pas même une légère amélioration de l’âge d’annulation de la décote (celui à partir duquel il est possible d’obtenir une retraite à taux plein, même en l’absence du nombre requis de trimestres de cotisation). Aucune meilleure prise en compte de la pénibilité non plus, qui aurait pu autoriser un départ anticipé à certains travailleurs et travailleuses.
Et pas même une meilleure valorisation de la retraite des femmes, qui sont les grandes perdantes de la réforme de 2023 : malgré une « surcote » de 5 % sur le montant de leur pension, le décalage de l’âge légal leur a très largement fait perdre l’avantage accordé au titre de la maternité et de l’éducation d’un enfant, qui offre jusqu’à huit trimestres de carrière validés par enfant. Ce dernier point était pourtant largement consensuel parmi les participant·es au « conclave ». (...)
Ne pas endosser la responsabilité de l’échec
Las. Les négociateurs syndicaux ont finalement accepté une fois de plus de manger leur chapeau, en relançant les négociations à partir, non du texte du médiateur, mais d’une nouvelle mouture rédigée par le Medef et la CPME. En vain.
Au cours de la soirée, la représentante de la CFTC, Pascale Coton, avait donné les clés du drôle de jeu de lenteur qui s’est tramé dans le bâtiment gouvernemental du VIIe arrondissement qui a abrité toutes les rencontres : « Le premier qui sort portera la responsabilité de l’échec. Nous, nous resterons jusqu’au bout. »
Et jusqu’au bout, les syndicats restés autour de la table ont voulu montrer qu’ils étaient résolus à améliorer le sort des travailleurs et travailleuses âgé·es. Le patronat, lui, refusait de porter le poids de l’échec alors qu’il n’était pas demandeur de la moindre réforme et qu’il n’estimait donc être redevable de rien.
Tous les regards se portent désormais vers François Bayrou. Le premier ministre a gagné six mois de sursis. Mais le sablier s’est vidé. Et déjà, La France insoumise (LFI) appelle à la censure du gouvernement. Jean-Luc Mélenchon a dénoncé sur X « une mascarade sans aucun résultat » dont il a attribué la responsabilité au Parti socialiste (PS).
« Le PS doit assumer cet échec et ses dégâts. Il doit montrer l’exemple pour voter au complet la censure », exhorte-t-il. Aux dernières nouvelles, les socialistes étaient divisés, mais réfléchissaient sérieusement à la question.