
À en croire les discours gouvernementaux, l’emploi et la croissance sont repartis sur de bonnes trajectoires. Il n’est pas besoin d’en faire davantage. Sauf, peut-être, d’obliger un peu plus les chômeurs à accepter les « centaines de milliers » d’offres d’emploi disponibles...
Après un engagement économique très fort en 2020-2021, notamment par la prise en charge du chômage partiel, l’État français semble vouloir ralentir dans ses efforts de soutien à l’emploi.
À 180 degrés de la politique du président Biden qui relance actuellement l’emploi aux États-Unis par des mesures d’ampleur (dont de nombreux autres pays profitent par ricochets), notre gouvernement campe sur ses positions de toujours dans la période de crise que nous vivons, inédite depuis la seconde guerre mondiale. À ses yeux, le marché de l’emploi n’a pas besoin de réformes structurelles, les mécanismes du marché suffiront à relancer la machine !
C’est vrai, il y a sans doute au moins deux faits nouveaux. D’abord, effectivement, on constate une certaine embellie économique due à la reprise d’activités qui avaient été ralenties pendant les confinements, et sans doute aussi à un certain exode urbain qui redynamise des territoires ruraux. Ensuite, depuis quelques mois ou années, nous sommes face à un phénomène nouveau : les jeunes et les moins jeunes ont des attentes ou même des exigences plus importantes qu’avant en matière d’emploi (à la fois pour ce qui concerne la qualité de vie au travail que pour ce qui touche au respect de l’employeur de certaines valeurs écologiques ou sociales).
Face à ces attentes croissantes, les entreprises, les employeurs publics et les pouvoirs publics sont à la traîne, l’ensemble des démarches de « qualité de vie au travail », « responsabilité sociétale des entreprises », « entreprises à mission », etc. se heurtant à des manques d’ambitions et de moyens (voir à ce sujet le livre d’Yves Clot Le prix du travail bien fait). (...)
mais rappelons quelques autres vérités que nos dirigeants tentent chaque jour de nous faire oublier.
Les offres d’emplois vacantes
D’abord, contrairement aux discours répétés sur le nombre important d’offres d’emplois vacantes, ces chiffres sont à considérer avec une grande précaution. Ils sont certes en augmentation du fait des deux phénomènes nouveaux que nous venons d’évoquer, mais ils ne représentent qu’une infime partie (entre 2 et 5 % ?) du nombre d’emplois qui devraient être mis en face des au moins 6 millions de personnes (nombre d’inscrits en catégories A, B et C en France et outre-mer au 3e trimestre 2021) en manque d’emploi décent dans notre pays. Et les difficultés de recrutement pour ces offres vacantes ne sont pas principalement dues au fait que « les Français ne veulent plus travailler. » Des raisons très importantes tiennent aussi aux employeurs, qui ne font pas suffisamment évoluer leurs conditions de travail et de rémunération. (...)
Rappelons que ces chiffres du chômage sont à prendre avec une grande précaution. Ils ne donnent pas la température de l’intégralité du marché de l’emploi, mais seulement de sa partie émergée. Une personne non inscrite à Pôle emploi et qui a travaillé une heure dans la semaine a de grandes chances de n’apparaître dans aucune statistique du chômage, ni celles de Pôle emploi, ni celles de l’INSEE.
Le taux de chômage INSEE est encore plus trompeur que celui de Pôle emploi, c’est malheureusement celui qui est souvent communiqué par les media, sans qu’ils s’interrogent jamais sur sa validité. (...)
plutôt que de se réjouir à tours de bras et de clore le débat, notre gouvernement pourrait profiter de la légère embellie actuelle pour envisager ce que le marché de l’emploi ne réalisera jamais de lui-même : les réformes structurelles nécessaires pour contrer ses dysfonctionnements majeurs (précarisation et bipolarisation des emplois, inégalités territoriales, croissance du chômage de longue durée, etc. voir le chapitre 1 de notre livre Zéro chômeur. Dix territoires relèvent le défi) et pour conduire une vraie transition écologique et sociale.