
Les Etats européens se sont mis d’accord durant la nuit sur le Paquet énergie climat 2030. Un accord médiocre, comportant des objectifs très faibles sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sur les économies d’énergie et sur les énergies renouvelables. Les Etats-membres de l’UE tournent le dos aux recommandations du GIEC et à leurs engagements de viser une limitation à 2°C du réchauffement climatique.
Sale nuit pour le climat. Le paquet-énergie climat 2030 (PEC 2030) validé durant la nuit de jeudi à vendredi à Bruxelles par les chefs d’Etat et de gouvernement des 28 Etats-membres institue un revirement majeur de l’UE en matière de lutte contre les dérèglements climatiques. (...)
Six années de perdues !
Les scénarios du GIEC qui permettraient de conserver une chance raisonnable de ne pas dépasser les 2°C de réchauffement climatique d’ici la fin du siècle le montrent clairement : les années précédant 2020 sont clefs et doivent être utilisées pour réduire beaucoup plus fortement les émissions dans les pays dits « développés ». En effet, selon un rapport du PNUE, si rien ne change, les pays de la planète vont émettre 13 gigatonnes de CO2 de trop en 2020 (57 gigatonnes au lieu de 44 gigatonnes de CO2) par rapport aux trajectoires acceptables. Aucun Etat-membre de l’UE n’a pourtant proposé de revoir à la hausse l’objectif de 20 % de réduction d’émissions d’ici 2020. Et ce alors que cet objectif de 20 % devrait être atteint avant le terme par les pays de l’Union européenne, si l’on ne tient pas compte des émissions incorporées dans les biens et services importés. (...)
Pour l’après 2020, et d’ici 2030, les Etats-membres ont validé un objectif de 40 % de réductions d’émissions par rapport à 1990. Certains chefs d’Etat et certains commentateurs présentent cet objectif comme ambitieux. Il est vrai que les lobbies industriels et les Etats-membres les plus récalcitrants exigeaient de ne pas dépasser la barre des 35 %. Cet objectif de 40 % est pourtant largement insuffisant.
Avec un tel objectif, l’UE repousse à l’après 2030 l’essentiel des efforts à réaliser d’ici à 2050. En effet, pour obtenir une réduction de 80 % des émissions, objectif minimal que s’est fixé l’Union européenne d’ici à 2050, cela reviendrait à planifier une diminution de 5 % par an de 2030 à 2050, contre à peine 1,3 % par an jusqu’en 2030. Un effort continu dans le temps permettrait de tabler sur un taux de réduction d’émissions de 2,5 % par an. Selon les derniers scénarios rendus publics par le GIEC qui permettent de ne pas aller au-delà des 2°C de réchauffement climatique global, l’UE est invitée à s’orienter encore plus rapidement vers une décarbonification complète de son économie. Selon le climatologue Kevin Anderson du Tyndall Centre for Climate Change Research, ceci impliquerait que l’UE réduise de 80 % ses émissions liées à son système énergétique d’ici 2030.
Maximiser le stock de carbone dans l’atmosphère (...)
En matière de dérèglements climatiques, les scientifiques rappellent que l’important n’est pas le niveau d’émissions une année donnée, mais l’accumulation des gaz à effets de serre dans l’atmosphère au cours des années. Pour le dire autrement, l’important n’est pas tant de savoir quel sera le niveau d’émissions en 2050 que de connaître le chemin de réduction d’émissions année après année par lequel on y arrive. Plus les émissions sont réduites fortement en début de période, plus le montant d’émissions accumulées dans l’atmosphère sera faible. Plus on attend la fin de période pour réduire les émissions, plus le montant accumulé sera important. En repoussant à l’après 2030 l’essentiel des efforts de réductions d’émissions, les Etats-membres maximisent donc la quantité totale d’émissions que l’UE va accumuler2 dans l’atmosphère au cours de la période 2020-2050.
Les énergies renouvelables abandonnées (...)
En octobre 2013, une douzaine de grandes multinationales de l’énergie européennes avaient appelé l’Union européenne à freiner le soutien public au développement des énergies renouvelables3. Le moins qu’on puisse dire est qu’elles ont été entendues. Le maigre objectif de 27 % d’énergies renouvelables d’ici 2030 ne permettra par d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables en Europe. A l’inverse du paquet énergie climat 2020, cet objectif ne s’accompagne d’aucune clef de répartition nationale contraignante, laissant chaque pays déterminer son niveau d’énergies renouvelables. Concrètement, l’Allemagne pourra continuer à développer les énergies renouvelables pendant que le Royaume-Uni, la Pologne, la France, l’Espagne etc. auront les mains libres, que ce soit pour développer ou maintenir leur production électrique d’origine nucléaire, ou pour encourager l’exploitation des hydrocarbures de schiste.
La croissance des renouvelables dans le mix énergétique européen va passer de 64 % sur la période 2010-2020 à 14% sur 2020-2030La croissance des renouvelables dans le mix énergétique européen va passer de 64 % sur la période 2010-2020 à 14% sur 2020-2030 (...)