
Notre rôle est d’être une force militaire ayant pour mission le maintien ou le rétablissement de la paix et de la sécurité internationale sur ordre du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous avons été envoyés dans plusieurs zones de conflits pour protéger la population civile ou encore servir de force d’interposition. Nous devions désarmer, démobiliser les combattants et protéger les populations civiles…
Un uniforme sur les épaules, un casque bleu sur la tête, nous avons traversé cet immense abattoir en folie qu’est le monde. Du Kosovo à la Bosnie en passant par le Darfour et le Mali avec quelques séjours dans la région des grands lacs ou Hutu et Tutsis changeaient l’eau des rivières en cascade de sang. Nous avons traîné notre inutilité et notre impuissance comme un boulet sur les endroits les plus ignobles de la planète. Un écolier m’a dit un jour : « Sur le chemin de l’école, il faut faire attention aux gens qui ont des fusils, car ils peuvent tirer avec, te tirer dessus, et puis là aussi tu es mort. Le problème, c’est qu’il y a plein de gens avec des fusils : il y a les militaires de mon pays, et puis des militaires d’autres pays qui sont venus dans mon pays pour faire la paix en faisant la guerre… »
On nous a forcé à être seulement des témoins avec ordre formel de ne pas intervenir. Nous étions là comme observateurs disaient ils, l’arme aux pieds sans bouger à voir femmes et enfants de tous pays se faire violer, assassiner sous nos yeux pleins de larmes, de rage et d’impuissance.
Concernant des exemples comme l’ex Yougoslavie, entre chrétiens et musulmans, ces guerres étaient beaucoup plus qu’agression et conquête. Elles étaient une suspension des contrôles de " civilisation ", un déchaînement bestial des forces de destruction. Quand s’opposent, dans le jeu de la vie et de la mort, non seulement des intérêts et des fureurs, mais aussi le sens de ce qui est sacré et maudit, de ce qui est juste et de ce qui est vrai et, lorsque les dieux combattent avec les armées, le déferlement va jusqu’au génocide.
On nous appelle les soldats de la paix, foutaise ! La seule paix que nous avons vu était celle des cimetières que notre inaction contribuait à remplir. On a fait de nous des voyeurs, sur lesquels crachent et jurent les bourreaux internationaux. Nous sommes la risée des salauds et la honte des nations développées. Nos nuits agitées sont peuplées de cauchemars sanglants ou, les yeux accusateurs d’un enfant, dont la mère a été égorgée à quelques pas de nous, nous rangent au même rang que ces ordures qui se conduisaient pire que des bêtes. Ne nous retranchons pas derrière Le diable ou autres fadaises qui ne sont que piètres excuses pour masquer la nullité des hommes.
Nous ne sommes pas une armée, mais des journalistes déguisés en militaires sans appareil photo ou caméra pour immortaliser l’horreur à laquelle nous sommes sommés d’assister. (...)
la guerre est un business qui enrichit chaque année à coup de milliard une petite minorité d’hommes d’affaires et d’hommes d’état qui dirigent, décident et font passer des millions de vie en perte et profit. (...)
La paix n’est qu’une forme, un aspect de la guerre. La guerre n’est qu’une forme, un aspect de la paix et ce qui lutte aujourd’hui est le commencement de la réconciliation de demain. Jean Jaurès