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Comment Areva laisse mourir ses travailleurs au Niger
Article mis en ligne le 20 janvier 2013
dernière modification le 16 janvier 2013

Les Français s’éclairent et se chauffent grâce à leur travail : ces centaines de mineurs nigériens qui ont passé 20 ou 30 années de leur vie à extraire de l’uranium pour Areva. De l’uranium qui, importé en France, alimente ensuite nos 58 réacteurs nucléaires. Souvent victimes des effets des radiations, ils souffrent et meurent aujourd’hui dans l’indifférence. Pas question de reconnaître leurs maladies professionnelles. Combien de temps le leader français du nucléaire continuera-t-il à les mépriser ?

(...) L’extraction d’uranium ne serait-elle pas plus dangereuses pour la santé des travailleurs que la culture d’oignon ou de mil ? Les Français, dont une large part de l’électricité est produite grâce au minerai nigérien – qui alimente un tiers des 58 réacteurs nucléaires – doivent-ils se réjouir de l’attention portée par Areva à la santé de ses salariés ?« Les mineurs d’uranium sont exposés à des radiations ionisantes tant par irradiation externe qu’interne. Ils sont exposés dans les carrières d’uranium, les mines souterraines, les usines d’extraction de l’uranium, mais aussi à leur domicile et en ville », décrit pourtant Bruno Chareyron, directeur du laboratoire de la Commission d’information et de recherche indépendantes sur la radioactivité (Criirad). L’organisme a réalisé de nombreuses analyses sur la présence de gaz radioactifs dans l’air, l’eau et l’alimentation à Arlit. Dans cette zone, 35 millions de tonnes de déchets radioactifs sont empilés à l’air libre depuis le début de l’exploitation. Au gré du vent, du gaz radon et ses dérivés s’en échappent. Des substances « classées cancérigènes pour l’homme par l’IARC [Centre international de recherche sur le cancer] dès 1988 », précise l’ingénieur en physique nucléaire. (...)


Pourquoi n’y a-t-il pas plus de maladies professionnelles déclarées ? Soit Areva est effectivement exemplaire, soit ces maladies professionnelles sont dissimulées, écartées des études et des statistiques.
Au Centre de sécurité sociale de Niamey, la capitale nigérienne, Ousmane Zakary esquisse une réponse. C’est le médecin des filiales d’Areva en charge de l’extracion (la Somaïr et la Cominak) qui doit alerter la sécurité sociale de l’existence d’une maladie professionnelle au sein de son personnel. Puis un médecin du travail mène une contre-expertise. Or « de nombreux ouvriers se plaignent que le médecin de la Cominak leur pose des problèmes pour déclarer leur maladie professionnelle. On essaye de leur cacher leur situation de santé », témoigne Ousmane.

Pire : seuls les mineurs en activité peuvent recevoir une prise en charge sanitaire de l’État nigérien. (...)


les témoignages de malades ou de familles d’anciens mineurs décédés affluent
. (...)

Boureima Hamidou, cet ancien échantillonneur de la Cominak, victime de ce qu’il considère comme un licenciement abusif, cinq ans avant sa retraite, a décidé de se mobiliser pour les mineurs. Dans le local exiguë de l’association, des sexagénaires patientent, tous atteints de paralysie, souffrant d’insuffisance rénale ou de troubles pulmonaires. Des survivants. La plupart des mineurs d’Arlit et Akokan qui ont travaillé entre les années 1970 et 1990 pour le compte d’Areva ne sont plus là pour témoigner. « Ceux qui ont pris leur retraite début 1990 n’ont pas tenu deux ans. Ils sont tous morts ! C’était comme une épidémie ! », décrit Cissé Amadou, qui a travaillé vingt ans comme cadre pour la Somaïr à Arlit. (...)

Quand le journaliste Dominique Hennequin revient du Niger et du Gabon avec un reportage à charge, Uranium, l’héritage empoisonné, diffusé sur la chaîne Public Sénat, il est rappelé à l’ordre par le porte-parole d’Areva pour avoir osé affirmer que l’accueil organisé par la société minière lui rappelait la Corée du Nord… Mais comment parler de transparence, quand l’OSRA est financé à 100 % par Areva ? « Moins d’un tiers des anciens travailleurs des mines a été recensé : 472 à Arlit et 39 à Agadez. Sur ce tiers, seule une centaine a reçu une visite médicale, décrit Cissé Amadou, l’ancien cadre de la Somaïr. (...)

« Dans l’hypothèse où le lien de causalité serait trop difficile à établir, nous pourrions envisager devant le Conseil de Prud’hommes des demandes au titre du préjudice d’anxiété lié à une exposition fautive à la radioactivité, dans des conditions de danger que l’employeur, en l’occurrence Areva, ne pouvait ignorer », expose Jean-Paul Teissonnière. L’avocat, spécialisé sur les questions sanitaires vient d’obtenir entre 5.000 et 30.000 euros de dommages et intérêts pour les salariés de la société Eternit non malades exposés à l’amiante. Qu’elle soit juridique ou politique, la solution qui permettra aux anciens travailleurs miniers nigériens d’obtenir une prise en charge médicale doit être trouvée au plus vite.