
EDF n’est pas avare de louanges sur ses efforts pour lutter contre le réchauffement climatique. Problème : ses discours collent mal avec la réalité. Car si l’entreprise réduit ses émissions de CO2 en France, elle les augmente en Europe de l’Est où elle investit largement dans des centrales à charbon, très polluantes, en Pologne ou dans l’ex-Yougoslavie.
Une stratégie qui pose également la question du rôle de l’Etat français, son actionnaire à 84%, alors qu’une loi sur la transition énergétique vient d’être votée. Une transition énergétique qui ne semble pas s’appliquer à l’entreprise publique en dehors des frontières de l’Hexagone. (...)
Résultat : même si en France, EDF se prévaut d’avoir divisé ses émissions de CO2 par deux depuis 1990, à l’étranger, elles augmentent. Pire, EDF consomme même de plus en plus de charbon : 25 millions de tonnes en 2013, quatre millions de tonnes de plus qu’en 2011 [3]. Conséquence logique, l’entreprise publique relâche de plus en plus de CO2 dans l’atmosphère : 80 millions de tonnes de CO2 émises en 2013, soit dix millions de tonnes de plus qu’en 2011. Seule différence : ces émissions supplémentaires, EDF les transfèrent à l’est. Pas sûr que la ministre de l’Écologie Ségolène Royal apprécie.
Car ce ne sont pas les nouveaux projets polluants qui manquent (...)
Pendant ce temps, la France accueille la Conférence internationale sur le climat... (...)
« Il y a un double discours de l’État français », accuse Malika Peyraut, des Amis de la terre. « D’un côté, la France accueille la Conférence internationale sur le climat (Cop 21) en 2015, mais de l’autre, EDF, dont l’État est actionnaire à 84 %, investit dans des projets polluants comme le charbon. Nous demandons que les investissements d’entreprises dont l’État est actionnaire n’enferment pas des pays dans des stratégies de dépendance au carbone. En Serbie, il y a un potentiel pour développer l’hydraulique et l’éolien. Si EDF veut vraiment exporter ses installations, elle pourrait au moins apporter ses technologies en matière d’énergies renouvelables ! » (...)
En investissant tous azimuts dans le combustible très polluant, EDF, et donc l’État français, vont à l’encontre d’une tendance internationale. « Plusieurs banques multilatérales d’investissement ont récemment émis des critères pour leurs soutiens aux projets énergétiques qui excluent la plupart des installations au charbon. Des pays du Nord de l’Europe ont également décidé d’arrêter de soutenir des projets dans le charbon à l’étranger », indique Malika Peyraut. Depuis 2013, les États-Unis, le Royaume Uni, les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège, l’Islande, et la Suède ont annoncé cessé ou limiter leurs soutiens à de nouvelles centrales à charbon à l’étranger. Le tout nouveau gouvernement suédois, composé de sociaux-démocrates et d’écologistes, pourrait même pousser le groupe énergétique Vattenfall à abandonner ses projets de nouvelles mines de lignite en Allemagne. Une posture similaire est adoptée par des banques multilatérales de développement, comme la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd).
« EDF sera demain l’entreprise la plus responsable » (...)
Lors de la dernière assemblée générale d’EDF, en mai, les Amis de la terre ont interrogé Henri Proglio, PDG d’EDF, sur les intentions du groupe en Serbie. « Je ne voudrais pas qu’on s’appesantisse sur tel ou tel projet qui n’ont pas encore vu le jour », a-t-il répondu [6]. Avant d’ajouter : « EDF est et sera demain l’entreprise la plus responsable en matière de protection contre les gaz à effet de serre. » Il serait temps de se mettre au boulot. En attendant, EDF est nominé cette année au Prix Pinnochio, un palmarès des entreprises très polluantes ouvert au vote des internautes, dans la catégorie « plus vert que vert ».