
La production de soja « responsable » arrive sur le marché européen. Responsable ? Parce que certifié par la Table Ronde sur le Soja Responsable, lancée par le WWF. Une certification qui fournit aux entreprises une belle façade verte. Ou comment Monsanto, Glencore, Nestlé ou Carrefour, grâce à ce label, deviennent d’ardents défenseurs du développement durable, et pourraient toucher des « crédits carbone » pour une culture qui contribue à la déforestation, véritable désastre écologique et social en Amérique latine.
En Argentine, le soja représente désormais plus de la moitié de la surface cultivée. Et les mauvaises herbes deviennent de plus en plus résistantes au Roundup, entraînant une baisse de la productivité. « Les industries des OGM comme Monsanto cherchent désormais à créer un soja résistant à d’autres herbicides comme le Dicamba, explique Nina Holland. Tout cela pour continuer le même système de production. »(...)
tout est fait pour séduire Monsanto. La nouvelle table ronde ne pose aucun critère : les OGM sont permis, pas besoin de plans de réduction des herbicides ni de système de protection empêchant l’expropriation des terres ou la déforestation.
Pour John Fagan, fondateur et responsable scientifique de Global ID Group, qui a participé à une étude sur la « soutenabilité » du soja OGM, la RTRS ne fixe pas de standards appropriés pour protéger les communautés rurales. « Ce que dit la RTRS, explique-t-il, c’est qu’il est possible d’accaparer les terres des petits paysans, à condition de les dédommager. » Mais comment compenser le bouleversement d’un mode de vie traditionnel ? Et qui payer ? Le gouverneur de l’État ? Le chef du village ? Chaque habitant ?(...)
Autre incohérence : la protection des ouvriers agricoles, dont les critères ont été affaiblis.(...)
Des associations environnementales se sont élevées contre ces projets. Elles dénoncent une vaste opération de greenwashing et pointent du doigt la participation du WWF à cette table ronde. « Mais nous ne sommes pas naïfs, répond Jean-Stéphane Devisse, du WWF France. Si l’on n’en connaît pas l’efficacité, on sait seulement que si l’on n’y siège pas, ou si cette RTRS n’existait pas, on perd la possibilité de la discussion avec les principaux responsables. »
« Le WWF se défend toujours de la même façon, répond Nina Holland. Il dit : "Si nous partons, toute la production va continuer comme avant." Mais les critères de la RTRS n’entraînent aucun changement dans les pratiques actuelles des producteurs de soja. » La participation du WWF à la RTRS contrebalance également les dénonciations des petites ONG engagées dans la lutte contre les méfaits du soja. Comment critiquer une entreprise qui est labellisée « responsable » par une organisation aussi importante que le WWF ?(...)
un mouvement de protestation interne montre que la RTRS est loin de faire l’unanimité au sein de l’organisation environnementale. L’organisation française a déjà pris position contre les OGM. Et concernant la RTRS, bien que son directeur des programmes, Jean-Stéphane Devisse, défende publiquement la politique du WWF, le WWF France aurait participé à la rédaction d’une lettre critique de la table ronde et de son approche du soja OGM, aux côtés de neuf autres branches du WWF.
Cette protestation interne entraînera-t-elle un changement de position de la RTRS ? Plusieurs associations ont lancé une campagne [3] pour demander aux supermarchés de refuser de vendre les produits fabriqués à partir de ce soja « responsable ». Aura-t-telle un impact ?(...) Wikio