
La découverte le plus choquante de l’histoire de l’archéologie est le premier massacre de la Préhistoire, sur le site de Nataruk, au Kenya. Elle l’est autant par ses détails macabres que par ce qu’elle révèle.
Il y a vraiment une volonté de tuer tous les membres d’une tribu, sans distinction. Vingt-sept cadavres ont été retrouvés, certains étaient attachés, fracassés, percés, il y avait une femme enceinte avec son fœtus. On les a laissés sur place après leur mort, ils n’ont même pas été enterrés. Zéro respect.
Cela interroge sur l’histoire de la violence, de la guerre. On pensait jusque-là que c’était lié au Néolithique. C’est une période préhistorique où l’homme se met à l’agriculture et se sédentarise. Il a un territoire fixe et est amené à le défendre, ou à envahir celui de la tribu voisine. Or, ici, le massacre se déroule durant le Paléolithique, la période qui précède, lorsque l’être humain est un chasseur-cueilleur.
Deux explications sont données à cela, qui ne s’excluent pas.
1. La nature de l’Homme
C’est l’anthropologue et archéologue Robert Foley qui l’affirme : « Je ne doute pas qu’il est dans notre biologie d’être agressif et mortel, tout comme il est profondément humain d’être attentif et affectueux. Beaucoup de ce que nous comprenons de la biologie évolutive humaine suggère que ce sont deux faces de la même pièce de monnaie ! »
2. La lutte pour les ressources
L’usage de la poterie, sans doute accompagné de celui de la vannerie, suggère une économie comportant du stockage, donc la constitution de richesses.
Or, comme l’a souligné l’anthropologue social Alain Testart (1945-2013), quand des chasseurs-cueilleurs trouvent sur un territoire des ressources régulières et périodiquement assurées (une cueillette saisonnière surabondante, par exemple), ils passent souvent de la prédation nomade à une prédation semi-nomade accompagnée de stockage et d’une semi-sédentarité.
Ils deviennent donc territoriaux eux aussi. (...)
Oui, ça marche aussi pour expliquer les guerres actuelles.
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La première guerre de la Préhistoire n’est pas celle que l’on croyait
Il y a soixante ans, là où le barrage d’Assouan débute sa construction, la découverte d’une soixantaine de squelettes marque l’histoire de l’archéologie. A la frontière entre le Soudan et l’Egypte, sur le site de Jebel Sahaba, les archéologues pensent être les témoins de ce qui fut l’une des premières guerres de la Préhistoire, il y a 13 000 ans. Mais de nouveaux travaux menés par des chercheurs du CNRS et de l’Université de Toulouse et publiés dans la revue Scientific reports montrent qu’il ne s’agissait alors pas d’un seul massacre, mais d’une succession de violences particulièrement cruelles entre différents clans.
Hommes, femmes, et enfants égaux face à la violence
Entre 2013 et 2019, grâce à des méthodes beaucoup plus élaborées que dans les années 1960, préhistoriens, anthropologues et géochimistes se sont penchés sur les milliers d’ossements découverts dans ce cimetière préhistorique. Les scientifiques ont identifié de nouvelles traces de blessures, parfois ouvertes, ou parfois cicatrisées avant la mort, suggérant une violence étalée dans le temps sur de mêmes personnes. (...)
le cimetière de Jebel Sahaba n’est pas celui d’une seule bataille, mais d’une succession de « raids et d’embuscades », à un moment où plusieurs clans devaient cohabiter dans un espace aux ressources limitées et concentrées sur une même zone, à savoir, le Nil. S’il est difficile de connaître les raisons de ces conflits successifs, les chercheurs considèrent que les conditions climatiques de l’époque, marquées par de nombreuses variations, ont ainsi pu mener à une guerre pour l’accès aux ressources.