
Il faut reconnaître que grâce à Benoît Hamon, le débat sur le revenu de base, allocation universelle, garantie, minimum… a fait une entrée fracassante dans le débat médiatico-politique, en tous cas parmi les candidats classés à gauche. Tant mieux.
Au sens le plus large, un revenu inconditionnel (RI) serait une somme d’argent versée, de la naissance à la mort, périodiquement, de manière individuelle, sans aucune contrepartie, à tous les membres d’un territoire. Pour ne pas courir le risque de le confondre avec une de ses variantes libérales, il faut écarter trois risques : la monétarisation de toute activité d’utilité sociale ; un montant insuffisant qui ne serait qu’une aubaine accordée au Capital (tant administrativement qu’économiquement) ; une mesure coupée d’une politique beaucoup plus générale portant sur la richesse.
C’est pourquoi nous ajoutons au concept de revenu inconditionnel que :
- le versement pourrait être effectué en trois parts (« monnaie publique », monnaie locale et gratuités) ;
- le montant doit être décent ;
- pas de revenu inconditionnel (plancher) sans revenu maximum inconditionnel (plafond). Ce triple ajout fait passer du RI au revenu inconditionnel (doublement) suffisant (RIS).
Détaillons ces propositions (...)
La fable bourgeoise de la reconnaissance sociale par le travail
Nul besoin de réclamer un « labeur » en contrepartie du RIS. Libérés de la fable libérale selon laquelle « seul le travail serait la source de la valeur », nous pensons au contraire que tout membre d’une société, quelle que soit son activité (si elle n’a pas été invalidée socialement et juridiquement comme « illicite »), contribue déjà à la production, la conservation et la protection d’une société. Il faut quand même beaucoup de mauvaise foi (ou de « vie abstraite ») pour laisser croire que seuls les « travailleurs » par leur « travail » contribueraient à la production réelle de la « richesse » ; comment ne pas voir la parenté de cette illusion avec celle que se racontent les « riches » pour justifier leur appropriation indécente de la plus grosse part de la valeur ajoutée ?
Nous abandonnons donc aussi la fable bourgeoise de la reconnaissance sociale par le travail. La question n’est pas de savoir si un travailleur peut ou non quelquefois éprouver de l’estime de soi — heureusement que oui —, c’est celle de savoir pourquoi les « travaillistes » se montrent si effrayés devant la proposition du RIS : « Mais alors plus personne ne voudra travailler ? » Comment mieux avouer que le travail est d’abord une activité contrainte et pénible ?
C’est à une société juste, responsable et démocratique de garantir à tous ses membres une existence décente. (...)
En tant que décroissants, écologistes et socialistes, nous tendons la main à la discussion et nous suggérons quelques pistes pour accompagner un processus de sevrage de l’« économisme » et autre « travaillisme » : et si nous commencions par discuter d’un droit inconditionnel au temps partiel, d’un réel partage des tâches pénibles, d’un droit inconditionnel à une retraite d’un montant unique à partir (au maximum) de 60 ans ?