Comment se construisent nos enquêtes et nos reportages ? En exclusivité pour vous qui nous soutenez, les journalistes de Basta ! vous livrent les coulisses de la fabrication d’un article : leurs rencontres, leurs interrogations, leurs difficultés, leurs doutes. Cette fois, notre stagiaire, qui ne prépare pas le café, vous raconte comment il a passionnément épluché les rapports officiels des entreprises du CAC 40.
« Quelles sont les plus hautes rémunération des dirigeants ? Quels sont les montants des dividendes versés ? Qui sont les actionnaires ? Quelles sont les affaires judiciaires auxquelles ces entreprises ont été confrontées ? J’ai épluché pendant plusieurs mois une quarantaine de documents de références des multinationales françaises pour préparer notre contre-rapport. Mon rôle : trouver les infos importantes cachées au milieu de ces 200 à 400 pages de bilan annuel et débusquer les entreprises qui manient le plus la langue de bois !
« Cela me fait parfois de la peine d’attaquer ces entreprises tellement les images qu’elles se donnent sont belles »
A force de lire les documents de référence des principales multinationales françaises, j’ai fini par rêver de leurs couvertures ! De petites montagnes avec des chèvres qui paissent et des éoliennes en arrière-plan, des femmes avec des casques de chantiers…(...)
Nous avons fréquemment trouvé des manipulations des objectifs de développement durable. Quand la Société générale affirme que le nucléaire est une énergie renouvelable, c’est une perle ! Nous pouvons aussi découvrir la liste des paradis fiscaux qui accueillent les filiales de chaque banque française : les Bahamas, les Îles Caïman, l’Île Maurice, etc.
« Il faut tout lire, tout décortiquer : il y a trop de risque de passer à coté du contexte »
Toutes ces informations existent mais ne sont pas regroupées. Certains groupes communiquent par exemple beaucoup sur la présence de femmes dans leur conseil d’administration. Mais quand nous regardons le nombre de femmes-cadres, cette proportion tombe à moins de 10 % ! Nous tentons de donner du sens à ces données, par exemple en les mettant en perspective dans le temps.(...)
C’est donc long et fastidieux, mais intellectuellement très stimulant, car ces données créent un contre-discours à celui des entreprises. Sans ces chiffres, nous serions obligés de croire ce qu’elles disent, elles qui dépensent des millions d’euros chaque année pour défendre leur image. »