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Stop aux violences
Commission Guigou : la commission de trop ! Votre déni et votre inaction protègent les pédocriminels.
Dre Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, 14 décembre 2020
Article mis en ligne le 17 décembre 2020

(...) le lancement par le secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles Adrien Taquet d’une commission indépendante sur l’inceste et toutes les autres violences sexuelles faites aux enfants présidée par Elisabeth Guigou nous a fait l’effet d’une claque.

C’est hallucinant que nous en soyons encore là, à créer une telle commission alors que nous avons déjà toutes les connaissances toutes les analyses tous les témoignages nécessaires, que nous savons ce qu’il faut faire, que c’est une urgence absolue de lutter contre une pédocriminalité qui ne fait que s’aggraver avec une impunité quasi totale, et qu’il faut une volonté politique forte, des réformes ambitieuses, des lois et des moyens humains et financiers vraiment à la hauteur.
(...)

Avec cette instance créée sur le modèle de la « commission Sauvé », la réponse apportée à la lutte contre la pédocriminalité, au lieu d’agir, est une fois de plus en toute indécence de créer une commission chargée de recueillir pendant deux ans la parole des victimes avant d’élaborer « une véritable politique publique » pour lutter contre ces violences. 
Mais de qui se moque-t-on ? Deux années pour découvrir tout ce qui est déjà connu de longue date, faire tout ce qui a déjà été fait, et élaborer des solutions qui ont été à de nombreuses reprises proposées, quel mépris ! Et la nomination à sa tête d’une personnalité comme Elisabeth Guigou qui s’est illustrée par des déclarations qui entretiennent la culture du viol à propos de l’affaire DSK achève de nous faire l’effet d’une provocation.
Quand prendrez-vous enfin vos responsabilités et remplirez-vous vos obligations ? L’heure n’est plus aux rapports aux grenelles aux consultations aux commissions… Cela suffit !
(...)

C’est particulièrement usant pour nous mais surtout cruel et inhumain pour les victimes de devoir encore attendre ! Quand on pense qu’il a fallu attendre mars 2017 pour qu’il y ait un premier plan de lutte contre les violences faites aux enfants et pour que l’on parle enfin de psychotraumatismes, de problème de de santé publique, d’inceste, de centres de prises en charge, et que ce plan n’est toujours pas appliqué en 2020.

Le but n’est-il pas de masquer une absence de volonté d’agir, en donnant l’illusion de faire quelque chose afin de nous faire patienter encore et encore ? Pendant ce temps, chaque année plusieurs centaines de milliers d’enfants sont violés, agressés sexuellement, et des millions d’anciennes victimes, presque toutes abandonnées, essaient au prix de quels efforts et de quelles souffrances de survivre, quand elles n’en sont pas mortes ! Alors qu’avec les victimes nous dormons mal, hanté.es par toutes les violences et les injustices subies, terrifiées à l’idée que les agresseurs qui n’ont jamais été inquiétés fassent d’autres victimes, vous, comment dormez-vous ? 

Ces commissions, Grenelles, consultations nationales, groupes de travail, etc, ne sont à l’évidence que des pertes de temps, des mises en scène inutiles et coûteuses, et des mascarades présentées comme de belles avancées dont nous devrions nous contenter. Et il faudrait qu’en tant qu’expert.es, responsables d’asso, militant.es, victimes, nous y participions à nouveau pour refaire les mêmes bilans, proposer les mêmes solutions ?

Aussi, quand nous apprenons que cette commission Guigou est financée à hauteur de 4 millions d’euros sur 2 ans pour "briser le tabou de l’inceste et des violences sexuelles sur mineurs" nous avons de quoi être écœuré !
(...)

Quand on sait tout ce que notre association Mémoire Traumatique et Victimologie a fait en 10 ans depuis sa création en 2010 avec essentiellement du bénévolat et en tout et pour un budget total de 250 000 euros provenant de dons et du fruit des formations et des conférences que font les membres du bureau et le soutien de nos 700 adhérents, et de quelques maigres subventions. À savoir : créer un site performant continuellement mis à jour d’information, de formation et de ressources pour les victimes et les professionnel.les les prenant en charge, faire d’innombrables formations (...)

j’ai formé gratuitement au ministère de la santé tous les médecins référents violences faites aux femmes des services hospitaliers d’urgence et les formateur.trices des écoles de sage-femmes, d’infirmier.es et dentaires (au total nous faisons plus de 80 formations et sensibilisation par an, cf nos bilans), organiser quatre colloques, réaliser une grande enquête de victimation auprès 1214 victimes de violences sexuelles en 2015 citée plus haut, ainsi que quatre autres enquêtes menées par Ipsos auprès des français, publier d’innombrables articles et vidéos, diffuser des centaines de milliers de plaquettes et de brochures d’infos, deux modules de formation en ligne (un troisième est en cours), le tout étant accessible et distribué gratuitement ;

(...) Alors que nous ne sommes pas que des expertes, des militantes, mais pour leur plus grande part des victimes qui ont été fracassées dans l’enfance, nous tenons bon malgré tout pour lutter pour la cause des victimes, lutter contre l’impunité, pour la justice, malgré les traumas, les obstacles, les avanies, les menaces, les maltraitances et les injustices, et nous sommes toujours là, debout survivantes, solidaires, combattantes, unies et déterminées pour lutter pour notre dignité, nos droits et pour remettre le monde à l’endroit et le rendre plus juste plus égalitaire. Malgré tout cela, nous ne baissons pas les bras, nous ne cédons pas au découragement, et nous continuons à monter au créneau pour porter la voix et les droits de tous les enfants qui ont été victimes, qui sont victimes et qui risquent de l’être. Heureusement que nous ne vous attendons pas !!! 

Mais là, c’est trop ! 
Nous n’en pouvons plus d’alerter et de crier dans le désert, de témoigner, de faire des recherches, des enquêtes, des analyses, des manifestes, des propositions qui ne servent finalement qu’à si peu de choses, puisque très rapidement rangées ou oubliées.

Il y a une outrecuidance tout à fait française de ne pas tenir compte de tout ce qui a déjà été étudié, pensé, analysé, dénoncé et proposé depuis des décennies au niveau national et international, de toutes études les recherches, les travaux et les expertises qui ont déjà faites, de tout le travail des asso, de tous les combats menés essentiellement par les victimes elles-mêmes et il faudrait encore et encore qu’elles témoignent expliquent convainquent après tant d’années à crier et alerter mais c’est d’une indécence inouïe ! C’est cruel et inhumain ! 

Les derniers rapport et commission en date sont de trop ! Ce sont des exemples indéniables d’une absence de volonté politique pour lutter contre ces violences sexuelles et en protéger les enfants
(...)

Et nous ce que nous demandions, c’est une toute autre commission indépendante pluridisciplinaire qui aurait été chargée pour rendre justice aux victimes de reprendre toutes les plaintes classées sans suite, déqualifiées, ayant fait l’objet d’un non lieu, d’acquittement ou de condamnations légères avec sursis, d’enquêter sur les maltraitances, les manquements institutionnels et sur toutes les décisions de justice qui n’ont pas permis de protéger les enfants, et sur les mises en cause de personnes protectrices et de lanceur-ses d’alerte. 

Vous n’avez donc pas peur pour les enfants ?
Alors que les chiffres de la pédocriminalité ne font que s’aggraver, de même que son impunité, le risque que cela fait courir sur tous les enfants, particulièrement sur les filles et les enfants les plus vulnérables et discriminés, ne vous émeut donc pas plus que ça ?
(...)

Vous n’avez donc aucune conscience, aucune pitié pour ces enfants dont la vie est détruite par ces violences et qui, du fait de l’incurie de toutes nos institutions, vont devoir survivre dans une grande souffrance à ces violences et à leurs conséquences psychotraumatiques avec un risque important de mourir prématurément, de développer de nombreuses et lourdes pathologies mentales et somatiques, et des conduites addictives, de se retrouver en situation de précarité, de pauvreté, de marginalisation, de handicap, de peupler les hôpitaux psychiatriques, les institutions, d’être en situation de subir sans fin de nouvelles violences, discriminations et injustices.

Vous n’avez aucun état d’âme, aucune honte, à laisser tous ces pédocriminels en liberté, à leur permettre de continuer à agresser et violer en toute impunité des enfants et des adultes, des filles et des femmes pour leur très grande majorité, en ciblant d’autant plus les plus vulnérables, handicapées et discriminées ?

Vous n’avez pas peur pour vos enfants, vos filles, petites-filles, sœurs, nièces, conjointes, mères, amies, collègues ? Cela ne vous donne pas la nausée d’être forcément en contact avec ces criminels et de les protéger par votre inaction, quand ce n’est pas de les soutenir ?
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Des scandales ont beau se succéder plus intolérables les uns que les autres, il y a une volonté manifeste de continuer à cacher ces violences, à invisibiliser les victimes, à ne pas prendre en compte les témoignages des victimes, les signalements des proches et des professionnels, de ne pas rechercher les preuves et de ne pas traiter ces violences en en classant sans suite et pour celles qui bénéficient d’une procédure judiciaire de les déqualifier et d’en minimiser la gravité.
Vous faites semblant d’y réagir, vous nous faites des promesses non tenues comme pour le seuil d’âge du non-consentement à 15 ans, vous n’abrogez pas le délit d’atteinte sexuelle et toutes les autres déqualifications, vous maintenez la prescription, refusez que l’amnésie traumatique soit reconnue par la loi comme obstacle insurmontable suspendant la prescription, vous ne réformez pas pas toutes les institutions qui ont gravement failli, police, justice, protection de l’enfance, santé. 
Vous n’avez toujours pas imposé une formation sur les violences sexistes et sexuelles, leur dépistage systématique, et leurs conséquences psychotraumatiques pour tous les professionnels qui prennent en charge les victimes et les enfants.
(...)

Dans un retournement cruel on met en cause la parole des victimes en leur reprochant des réactions, des symptômes et des comportements qui sont des preuves médico-légales des psychotraumatismes qu’elles ont subies (sidération, dissociation, amnésie, mémoire traumatiques, conduites de survie). 

Plus les victimes sont traumatisées, moins elles sont entendues, crues et protégées, plus elles sont ignorées, décridibilisées, soupçonnées, maltraitées et culpabilisées. Cela justifie des classements sans suite et des déqualifications des agressions sexuelles et des viols, et une discrimination voire psychiatrisation des victimes. C’est d’une cruauté sans nom !
(...)

En 2020, avec les innombrables études internationales, toutes les alertes de l’OMS, mon plaidoyer acharné depuis près de 15 ans, et celui du Dr Denis Mukwege, prix Sakharov en 2014 et prix Nobel de la Paix 2018 avec qui je travaille et qui est menacé de mort pour son combat au service des filles et des femmes victimes de violences sexuelles, cette absence de reconnaissance des psychotraumatismes lors de violences sexuelles faites aux enfants et de leurs graves conséquences sur leur santé à long terme ne peut plus être expliqué par l’ignorance. (...)

Comment pouvez-vous tolérer une telle impunité ?
Pour finir, la justice n’est pas du tout au rendez-vous, elle échoue totalement à protéger les enfants de ces violences sexuelles en tolérant une impunité quasi totale.

(...) L’impunité, et c’est reconnu internationalement, est une des premières causes de la perpétuations de ces violences sexuelles et de leur aggravation d’année en année. La pédocriminalité sur le net en est un exemple effrayant, chaque année les vidéos et les photos disponible sur les sites pédocriminels double(...)

Vous avez l’obligation d’agir ! Pour lutter contre les violences sexuelles faites aux enfants il faut lutter en priorité contre l’impunité et il faut protéger et prendre en charge les enfants victimes. Il faut remettre en urgence le monde à l’endroit et protéger les enfants de ces violences sexuelles si destructrices. Il est intolérable que ce soit encore aux victimes de de se défendre, de survivre seules et à quel prix, de tout porter, de tout prouver, de lutter. Il est temps d’aller à leur secours, de lesreconnaître par un dépistage systématique, de les protéger, de les soigner, de réparer leurs préjudices et de leur rendre justice. C’est une question de volonté politique. Si vous ne le faites pas vous répondrez de votre inaction.