
Ayant fait son entrée dans les principaux dictionnaires de la langue française depuis trois ans le véganisme demeure un mouvement social et politique aussi méconnu que spontanément décrié. Rassemblant près de 1% des Français, le mouvement visant à ne plus recourir à des produits issus des animaux ou leur exploitation ne veut pas changer seulement le contenu des assiettes, il exprime une vision de la société, de la planète et des rapports entre les êtres doués de sensibilité.
Les Végans sont de plus en plus présents dans l’espace public ou en donnent l’impression même s’ils ne représentent qu’un pour cent des Français. Les uns s’en prennent frontalement, médiatiquement à l’industrie de la viande comme lors du sommet de l’élevage de Clermont-Ferrand qui s’est ouvert le 4 octobre, poussant les industriels du secteur à leur répondre par voie de presse. D’autres veulent surtout sensibiliser urbi et orbi les consommateurs qui ont recours à des produits d’origine animale. Plus nombreux sont encore ceux qui souhaitent partager le parcours d’un mode de vie qui les a conduits bien au-delà d’un bouleversement de leurs comportements alimentaires. Le véganisme se présente en effet comme « un engagement à ne pas œuvrer, dans la mesure du possible, à l’assujetissement, aux mauvais traitements et à la mise à mort d’être sensibles » .
Loin d’être une mouvance monolithique le véganisme est traversé de courants aux querelles doctrinales complexes et aux attitudes quotidiennes les plus diverses. (...)
il n’est guère aisé pour les simples curieux de s’informer et de chercher à appréhender le véganisme en toute honnêteté et dans toutes ses dimensions : économiques, gastronomiques, historiques, philosophiques et/ou politiques. En outre, le mouvement suscite une telle appréhension, voire une hostilité, qu’il est bien difficile de trouver des narratifs qui ne soient pas ultra-partisans, tant du côté de ses adeptes que de ceux qui leur sont hostiles. Les politiques eux-mêmes n’échappent pas à cette tendance ultra-critique. Les expressions tranchées sur le sujet ne sont pas rares. (...)
On ne saurait contester que le véganisme est un combat politique pour ses opposants comme pour ses partisans, dès lors comment en débattre dans une société démocratique apaisée ? Bien trop rares sont les acteurs sociaux ayant une vision d’ensemble de la mouvance et de leurs intentions. Il faut donc se résoudre à s’en remettre à des auteurs « militants ». (...)
O. Véron prend véritablement par la main son lecteur. Elle expose l’histoire du véganisme, son inscription dans le temps long en revenant sur les expériences jaïn, sikh, pythagoriennes, de l’Empire romain, au travers des pratiques des religions du Livre, de l’islam, des débats des Lumières et des expériences entreprises depuis le milieu du XIXème siècle. En normalienne, chercheuse en sciences sociales et spécialiste des mouvements sociaux, elle revient en détail sur les concepts clés de l’éthique animale qui sous-tendent les débats qui nourrissent les communautés véganes (ex. carnisme, sentience, spécisme, véganarchisme, welfarisme vs. abolitionnisme) et les interactions avec d’autres combats politiques tels ceux conduits au nom de l’écoféminisme ou de la dénonciation des escalavagismes. Ces analyses étayées par de nombreuses références de lecture sont l’occasion de mettre en valeur l’épaisseur idéologique du mouvement, son universalité mais également ses interrogations pratiques voire ses propositions programmatiques. (...)
Les questions sur soi-même, son environnement semblent consubstantiels à la voie végane, qu’on partage ou non cet objectif de vie. C’est si vrai que tout livre végan digne de ce nom ne saurait se concevoir sans favoriser des questionnements explicites sur la consistance de son mode de vie Le travail d’O. Véron n’échappe pas à cette forme d’écriture : le livre répond ainsi à une liste de douze objections des omnivores. Certes, cette liste n’a pas d’autres fondements que la subjectivité de l’auteure, même si les questions abordées ont certainement été exprimées à un moment ou un autre par des amis, la famille ou l’entourage professionnel. C’est pourquoi, autre particularité des manuscrits sur le véganisme, ceux-ci comprennent généralement une dimension très personnelle, voire autobiographique. (...)
Ce parcours pédagogique dépeint les raisons (ex. alimentation idéale, santé,…) qui conduisent certains d’entre nous à faire le choix du véganisme ou à en revenir. Il n’occulte en rien les difficultés de la démarche jusque dans le détail des compléments alimentaires inéluctables notamment pour éviter les carences en vitamine B12, indispensable à la fabrication des cellules et de globules rouges mais que l’on ne trouve pas dans les sources végétales de l’alimentation. (...)
Lire aussi : Le vin lui aussi devient végane Aussi surprenant que cela puisse paraîte, des produits d’origine animale sont parfois utilisés en vinification. Et les certifications véganes se multiplient. Ethique ou marketing ? Reporterre enquête. (...) Ce label est porté par l’European Vegetarian Union (Union végétarienne européenne), une organisation européenne à but non lucratif qui promeut végétarisme et véganisme. (...)