
Le monde post-extractiviste arrivera, quelque soit la volonté de ceux que Jean Ziegler appelle « les saigneurs de la terre », aussi désignés les 1% par Occupy et les Indignés. La question est de savoir comment il est possible de créer ce monde post-extractiviste, avant qu’il ne s’impose par la raréfaction des ressources naturelles. L’accélération des désastres climatiques et environnementaux, puis dans un proche avenir un effondrement des sociétés extractivo-consuméristes |1| avec une montée très probable de la barbarie, sont des probabilités fortes si rien ne change. Les métaux et les énergies fossiles sont des ressources finies dont les limites se rapprochent rapidement. L’eau douce, les sols agricoles, les forêts, les poissons, le sable sont eux aussi des ressources finies quand est dépassée la capacité des écosystèmes à les renouveler. Quant à la biodiversité, dont nous sommes un des éléments, elle est en chute libre pendant que le chaos climatique progresse.
(...) Une autre agriculture, résiliente au pétrole, doit se développer rapidement. Que ce soit avec l’agroécologie urbaine, les ceintures maraîchères ou le redéploiement de l’agriculture paysanne et écologique, elle se fera avec des techniques respectueuses « des conditions de vie et du patrimoine naturel. » |6|
Quant aux énergies renouvelables, si elles sont de vraies solutions pour remplacer les énergies fossiles déclinantes et désastreuses pour le climat, elles nécessitent de grandes quantités de métaux et de ressources naturelles déjà limitées. |7| Le prix actuel du pétrole, très bas, masque la réalité du pic pétrolier. |8|
Le pic géologique, celui des matières premières minérales, le pic énergétique, le pic agricole et bientôt le peak everything seront bientôt atteints. Les énergies renouvelables ne seront une alternative crédible que dans la mesure où le gaspillage énergétique cessera. Inutile autant qu’impossible de construire des éoliennes si c’est pour consommer toujours plus. Il faut des ressources métalliques énormes pour fabriquer une grande éolienne (...)
Nous, les habitants des pays les plus prospères, sommes donc face à un choix très clair.
– Soit décider volontairement de diminuer notre empreinte écologique, donc notre consommation matérielle, en réduisant fortement nos besoins en bois, minéraux, viandes, poissons, énergies y compris d’origine renouvelable, eaux douces et terres arables. Aller vers la simplicité impliquera de remplacer le système de la mode, de l’obsolescence programmée et du gaspillage. Indispensable si nous voulons stopper le réchauffement planétaire produit en guère plus d’un demi-siècle conjointement aux désastres environnementaux et sociaux, pour laisser une terre viable pour nos enfants. Il faut des temps longs pour que la nature et les ressources écosystémiques retrouvent leur équilibre, les pertes de biodiversité sont définitives.
– Soit laisser le business as usual continuer à détruire notre biotope au nom du « libre » échange », de la « libre » concurrence et de la « libre » entreprise, avec pour seule idéologie le grand mensonge libéral du TINA. Que les dominants veuillent se noyer dans des piscines de bénéfices pourrait nous laisser indifférents si leurs folies ne nous entraînaient dans une débâcle aussi certaine que collective. (...)
Pourquoi les banques ne continueraient-elles pas à jouer à la bourse-casino sur les matières premières, pétrole et nourriture ? Pourquoi ne pourraient-elles pas continuer à être sauvées par les contribuables quand elles tombent en faillite en entraînant celle de toute l’économie, nous disent-elles tranquillement ? Ces fameuses banques systémiques, too big to jail, trop grosses pour aller en prison, font grossir la dette publique par leurs combines d’évasions fiscales dans les paradis fiscaux, leurs délires mégalos et leurs prêts avec intérêts aux Etats. |11|
Nous devons prendre en mains notre avenir et organiser un plan de sauvetage du peuple par le peuple. Les dirigeants politiques, tout comme les responsables des grandes institutions financières, devenus les passe-plats des détenteurs de capitaux, n’hésitent plus à mentir ou à verser dans la schizophrénie. Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, a expliqué fin 2012 que l’institution s’était trompée dans ses calculs et que les mesures d’austérité avaient en réalité des effets multiplicateurs augmentant la récession économique. Néanmoins, le FMI, à travers la Troïka, continue à imposer des mesures d’austérité aux pays européens, semblables à celles imposées depuis 30 ans aux PED. Il impose à la Tunisie des mesures d’austérité typique des PAS en échange de nouveaux prêts, ainsi que le remboursement des prêts odieux de la période Ben Ali, de même qu’il continue, par ses conseils, de faire saigner le peuple grec.
La BM continue à prêter en 2013 des dizaines de milliards de dollars pour l’extraction des énergies fossiles et alerte dans le même temps sur les cataclysmes à venir provoqués par le réchauffement climatique. Pour gagner l’élection le candidat François Hollande déclare que son plus grand ennemi est la finance, mais après trois ans de mandats, impose des mesures d’austérité au peuple, sanctifie la croissance du PIB, les profits des entreprises et rembourse une dette illégitime. (...)
Les résistances sont liées
Les résistances à l’extractivisme, à la dette illégitime, à l’agriculture productiviste, à la malnutrition au Sud et au Nord comme au réchauffement climatique réussiront quand la multitude des luttes locales, internationales et des expériences alternatives seront suffisamment puissantes pour créer un effet de bascule dans la conscience du plus grand nombre. Les peuples retrouveront alors le sens de la vie en se réappropriant les grands choix de société. N’oublions jamais que l’ascenseur social et les classes moyennes occidentales sont nés du cataclysme financier de la crise de 29. Cela, contre la volonté des détenteurs de capitaux et des patrons aussi bien étasuniens qu’européens (...)