
Plus de 70 élus municipaux alertent contre les dérives « racistes, anticonstitutionnelles et contre-productives » des actions menées par le gouvernement français. « Si nous restons silencieux, le pays que nous aimons et auquel nous tenons, tombera encore plus dans le piège du racisme et de la haine, au seul profit de l’extrême-droite et des terroristes ».
En France, ces dernières semaines ont été marquées par une série d’attaques terroristes odieuses.
Ces crimes nous ont tous profondément choqués.
Face à l’émotion et à la sidération collectives, nous, élus de la République cosignataires de cet appel, aurions tant aimé que le gouvernement français en appelle à l’unité et à une remise en question de sa lutte antiterroriste. Au lieu de cela, nous avons assisté à une véritable offensive politique contre la liberté d’association et d’expression. (...)
La campagne du gouvernement contre les Musulmans en France est une attaque contre chacun d’entre nous.
Les corps des victimes n’étaient pas encore enterrés que le gouvernement français et les médias ont utilisé et exploité leurs morts tragiques pour criminaliser les musulmans. Ce qui était jusqu’alors considéré comme une rhétorique d’extrême-droite - rhétorique qui avait gagné du terrain ces dernières années - est désormais normalisé dans les médias et le discours politique mainstream.
Ces événements effroyables (et bien d’autres avant cela) sont devenus le prétexte pour justifier des actions oppressives contre les musulmans, ainsi que contre toute organisation perçue comme musulmane.
Le gouvernement français s’est adonné à des perquisitions au domicile de personnalités musulmanes, d’associations éducatives, d’organisations caritatives et à la fermeture d’une mosquée. Le ministre de l’Intérieur a, par ailleurs, annoncé le contrôle d’une cinquantaine de structures, associatives ou religieuses, et la dissolution de plusieurs d’entre elles.
Une campagne d’intimidation
Une importante organisation humanitaire islamique, BarakaCity, a ainsi été dissoute et le gouvernement tente de faire de même avec le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), une organisation de défense des droits humains qui fournit une assistance juridique aux victimes de discriminations et de crimes de haine. Il est désormais établi (pour ceux qui en doutaient…) que ces organisations n’ont absolument rien à voir avec les meurtres.
Cette campagne d’intimidation vise également des journaux connus (comme Mediapart), des partis politiques (comme La France Insoumise, le Parti Communiste Français ou même d’anciens députés de la majorité LREM) et des universitaires qui ont osé prendre position contre l’islamophobie dans le passé ou ne serait-ce qu’émettre une pensée critique contre les pratiques de l’État Français.
La motivation derrière cette répression totalitaire est claire.
Le gouvernement français, à travers son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a clairement déclaré que ces actions visaient à « faire passer un message », un message aux musulmans vivant en France et à toute personne désireuse de les défendre.
Racistes, anticonstitutionnelles et contre-productives
En tant qu’élus, attachés à l’État de droit, nous ne pouvons tolérer ces glissements. Les libertés fondamentales sont en jeu. Les droits humains sont en jeu. Et avec eux, la démocratie l’est aussi.
Nous ressentons le besoin de dénoncer publiquement et internationalement ces actions et de les qualifier comme il se doit : racistes, anticonstitutionnelles et contre-productives. Nous ne pouvons pas laisser une situation déjà catastrophique empirer, et nous ne resterons pas les bras croisés tandis que le gouvernement français sombre dans le fascisme. Ce qui est fait au nom de la laïcité est en fait la stigmatisation, la diabolisation et la déshumanisation des citoyens musulmans.
La situation en France est grave. (...)
si le pays où est née la Déclaration des Droits de l’Homme se transforme - à nouveau - en un État fasciste, l’Union européenne tout entière revivra ses heures les plus sombres.
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La sociologue Agnès De Féo signe un ouvrage passionnant, "Derrière le niqab" (éd. Armand Colin). Fruit de dix ans d’enquête, ce travail au long cours tente de déconstruire les idées reçues et de dresser un bilan de la loi de 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public en France. "On a assisté à une augmentation des femmes portant le niqab après la loi", note la sociologue. "Certaines se sont même converties à l’islam pour porter l’objet interdit", obéissant à un "phénomène d’auto-marginalisation", poursuit Agnès De Féo, qui note qu’aujourd’hui, "le port du masque a pour certaines remplacé le port du voile intégral".