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Contre le chômage, un absurde pacte de précarité
Article mis en ligne le 14 avril 2016
dernière modification le 12 avril 2016

Le dogme de la flexibilité du travail, tel que l’applique la loi El Khomri, dissimule un contrat social insoutenable : non seulement il est inefficace pour l’emploi, mais il ne promet moins de chômage que pour plus de précarité et de pauvreté.

On connaît bien le "chantage à l’emploi". Localement, il permet de faire accepter des conditions dégradées aux salariés d’une entreprise en échange d’un maintien de l’emploi souvent illusoire. À un niveau plus global, il sert à imposer un abandon des droits et des protections afin, prétend-on, de faire baisser le chômage. Car la baisse du chômage devient un objectif tellement impérieux (à ce niveau, on le comprend) qu’il anéantit tout débat sur les moyens d’y parvenir – et leurs conséquences.

C’est alors un "chantage au chômage" qui s’instaure. Au moment où la loi travail est défendue par le gouvernement, le discours dominant s’enracine dans cette urgence pour mieux disqualifier toute opposition, laquelle ne peut plus être que le fait d’irresponsables. N’importe quel emploi vaudrait mieux que pas d’emploi [1]. Mais quand tout est bon contre le chômage, y compris des solutions reconnues inefficaces, c’est que l’objectif n’est pas l’emploi.
Italie et Espagne : des "miracles" pour ceux qui y croient

Immanquablement, ce discours invoque les "modèles" et "miracles" étrangers. À commencer par le Jobs Act italien de Matteo Renzi, et son "contrat à protection croissante" mis en œuvre au printemps 2015. On en vante la spectaculaire réussite avec la multiplication (très contestée [2]) de CDI… qui n’en sont plus puisqu’ils facilitent les licenciements (y compris abusifs) durant les trois premières années de contrat [3].

En parallèle, le recours à un système de chèques-emploi a connu une forte progression, et la baisse de 0,7 points du taux de chômage, l’année dernière, n’a pas profité à la cible prioritaire de la réforme : les jeunes. Enfin, si cette réforme a bien allongé la durée d’indemnisation du chômage, les promesses d’instauration d’un salaire minimum n’ont pas été tenues. En résumé, la flexibilité qui sert la "compétitivité" des entreprises ne s’accompagne que de gains marginaux sur l’emploi et pour la "sécurité" des travailleurs.

Autre miracle, espagnol cette fois, dont ont fait l’éloge les économistes signataires de la tribune favorable à la loi travail, dans Le Monde. Ceux-ci évoquent un surcroît de 300.000 emplois en CDI en 2013, l’année suivant la réforme du droit du travail espagnol. « Une invention », affirme Michel Husson : Eurostat indique 256.000 CDI détruits cette année-là, au profit de contrats précaires… La "réussite" espagnole, c’est un taux de chômage qui reste aujourd’hui à plus de 20%, contre 11,3% en 2008, ainsi que 400.000 personnes qui ont renoncé à chercher un emploi et une émigration massive. (...)

La flexibilité, "arnaque néolibérale" sans effet sur l’emploi

Auteur de l’excellent Nos Mythologies économiques, l’économiste Éloi Laurent, rappelle qu’en France, le chômage a baissé à plusieurs reprises au cours des trente dernières années… notamment sous l’effet de politiques de réduction du temps de travail ou lors de périodes de reprise de l’activité économique. Mais jamais « de la "flexibilisation" du marché du travail et encore moins de l’abaissement des droits des salariés » – malgré des mesures comme le contrat nouvelle embauche ou la rupture conventionnelle… (...)

la mise en accusation des protections collectives permet efficacement d’éluder les véritables causes du chômage de masse, parmi lesquelles figurent la crise financière et les politiques d’austérité. (...)

La flexibilisation du marché du travail est une politique imposée par la Commission européenne, en particulier à ses membres les plus frappés par la crise : Grèce, Irlande, Espagne, Portugal, Italie. Les principales puissances de l’UE ont donné l’exemple à suivre, avec des dispositifs radicaux : contrats "zéro heure" au Royaume-Uni [5] ou "minijobs" en Allemagne. Une voie, celle du dumping social généralisé (assorti d’une pression à la baisse sur les salaires), que la France devrait suivre aussi – Bruxelles vient d’ailleurs de féliciter le gouvernement pour la loi El Khomri. (...)