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Le Monde
Contrôles au faciès : après la condamnation de l’Etat, la police devra changer ses pratiques
Article mis en ligne le 11 novembre 2016
dernière modification le 10 novembre 2016

C’est une décision de principe inédite que la Cour de cassation a rendue, mercredi 9 novembre, en matière de contrôle d’identité. C’est la première fois que la plus haute juridiction était amenée à se prononcer sur ce sujet, sur la base de recours contre l’Etat portés par treize personnes – d’origine africaine ou nord-africaine – qui estimaient avoir fait l’objet de contrôles « au faciès ».

Mercredi, la Cour a définitivement condamné l’Etat dans trois cas – en l’occurrence des contrôles d’identité ayant eu lieu dans le quartier commercial de la Défense, en décembre 2011. Elle a considéré qu’« un contrôle d’identité fondé sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable, est discriminatoire : il s’agit d’une faute lourde ».
Avancée majeure

Au stade précédant de l’appel, le 24 mars 2015, l’Etat avait été condamné à verser des dommages-intérêts (1 500 euros) dans cinq dossiers. Il s’était alors pourvu en cassation. Et les requérants qui n’avaient pas eu gain de cause dans les huit autres dossiers avaient fait de même. (...)

La Cour de cassation a fixé les règles. Elle a confirmé qu’un contrôle fondé sur l’apparence physique est discriminatoire et que c’est une faute lourde. » Réagissant à la décision, le Défenseur des droits a salué « une avancée majeure pour la garantie des droits des citoyens ».

La Cour de cassation a aussi précisé la façon dont la discrimination doit être prouvée. La personne qui saisit le tribunal « doit apporter au juge des éléments qui laissent présumer l’existence d’une discrimination », comme, par exemple, l’attestation d’un témoin présent sur les lieux. « C’est ensuite à l’administration de démontrer, soit l’absence de discrimination, soit une différence de traitement justifiée par des éléments objectifs ». En matière de contrôle au faciès, la charge de la preuve est donc aménagée, à l’image de ce qui se fait en droit du travail. « C’est une innovation majeure, s’est réjoui Me Félix de Belloy. On sort de plusieurs décennies de non-droit. »

Son confrère, Me Thomas Lyon-Caen, qui a défendu les requérants devant la Cour de cassation, envisage une prochaine étape : « Se mobiliser sur la traçabilité des contrôles ». (...)

Un sujet absent des programmes électoraux

François Hollande avait en effet promis d’instaurer un récépissé lors de chaque contrôle d’identité, avant de faire marche arrière, une fois élu. Confronté à la forte opposition des syndicats de police devant ce qu’ils considéraient être une mesure stigmatisante, M. Valls, alors ministre de l’intérieur, a abandonné l’idée d’un récépissé, lui préférant celle du port obligatoire du matricule. « Cela n’a rien changé », martèle Bocar N., l’un des treize requérants, membre du Collectif contre le contrôle au faciès, et dont le cas n’a pas donné lieu à une condamnation de l’Etat. « Les pratiques continuent et il faut que l’ensemble de la société se saisisse de ce sujet. Il s’agit d’améliorer les relations entre la police et la population. »

Mardi, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a justement rendu un avis dans lequel elle rappelle qu’« un ensemble convergent d’études a mis en évidence la surreprésentation des jeunes hommes issus des minorités visibles dans les contrôles de police ». La pratique serait devenue un véritable « un abcès de fixation des tensions police-population », en plus de n’être utile qu’à la découverte d’une part marginale d’infractions. (...)