
Ces phénomènes spectaculaires, qui peuvent déboucher sur la mort des récifs, surviennent aujourd’hui tous les trois ans, selon une étude publiée dans « Science ».
Partout dans le monde, la survie des coraux est menacée. Déjà fragilisés par la pollution, la pêche, l’agriculture ou l’aménagement côtier, ces écosystèmes vitaux des océans sont aujourd’hui irrémédiablement soumis à la pression extrême du changement climatique.
La preuve en est dans la dramatique accélération des graves épisodes de blanchissement des récifs coraliens dans l’ensemble des tropiques. La fréquence de ces phénomènes spectaculaires – qui peuvent déboucher sur la mort des coraux – a ainsi été multipliée par dix en moins de quarante ans, passant d’un tous les vingt-cinq - trente ans au début des années 1980 à un tous les trois ans en 2017, selon une étude publiée dans Science vendredi 5 janvier. (...)
Conséquences majeures pour les écosystèmes
La décoloration des coraux est provoquée par un stress, principalement dû à la hausse de la température de l’eau. « Le réchauffement entraîne une rupture de l’association symbiotique entre le corail et les algues vivant dans ses tissus, qui lui donnent sa couleur et lui fournissent jusqu’à 95 % de sa nourriture, explique Denis Allemand, directeur du centre scientifique de Monaco et spécialiste des coraux, qui n’a pas participé à l’étude. Sous l’effet de 0,5 °C à 1 °C supplémentaire, les zooxanthelles sont expulsées du corail, qui se retrouve sans source de nutriments, et donc le squelette blanc apparaît. »
Les récifs peuvent s’en remettre et récupérer leurs algues si l’eau refroidit, mais ils finiront par mourir si le phénomène persiste plusieurs semaines. Près de la moitié des coraux de la Grande Barrière australienne ont ainsi disparu entre 2016 et 2017, un chiffre sans précédent.
Un tel phénomène, qui s’additionne à l’acidification des océans, a des conséquences majeures pour les écosystèmes. Les coraux, sortes d’oasis des déserts océaniques, ne représentent que 0,2 % de la superficie des mers, mais abritent 30 % de la biodiversité marine connue, à laquelle ils fournissent des sources de nourriture.
Ils rendent par ailleurs de nombreux services écosystémiques aux humains, protégeant les côtes contre l’érosion, alimentant de nombreuses populations (pêche, aquaculture) et générant du tourisme. Une valeur économique chiffrée à entre 24 et 310 milliards d’euros par an, selon les estimations.
« Niveaux insoutenables » (...)
Surtout, contrairement aux précédentes décennies, ces blanchissements n’interviennent plus seulement en présence du phénomène El Niño, ce cycle naturel de réchauffement du Pacifique qui, tous les trois à sept ans, tire les températures vers le haut. En raison du changement climatique d’origine anthropique, ils se produisent durant chaque été chaud, y compris pendant le phénomène La Niña, qui refroidit pourtant la température du globe.
Une fréquence trop rapprochée, qui empêche les coraux de se régénérer naturellement. Car les espèces qui grandissent le plus rapidement mettent entre dix et quinze ans pour se rétablir totalement, les autres bien davantage.
Toutes les régions sont touchées, en premier lieu l’Atlantique Ouest (...)
Rendre les coraux plus résistants
Quelle sera la situation dans les prochaines décennies ? Certains scientifiques sont alarmistes, estimant que les coraux auront totalement disparu de la surface du globe d’ici à 2050. Un pessimisme que ne partagent pas les auteurs de l’étude, en soulignant que tout dépend dorénavant de l’action humaine. (...)
« Des programmes de recherche sont en cours pour trouver comment modifier le microbiome des coraux afin de les rendre plus résistants au changement climatique. »
L’expédition Tara Pacific, dont il est le codirecteur scientifique, a notamment pour objectif de comprendre pourquoi certains de ces invertébrés blanchissent moins que d’autres ou résistent à des eaux déjà chaudes. Ce qui permettrait de restaurer les récifs avec des espèces plus résistantes, tout en continuant à créer des aires marines protégées, qui limitent les stress locaux. (...)