
Il a vécu quatre mois en totale autonomie sur un radeau : Corentin de Chatelperron, 38 ans, est définitivement l’as des low-techs. L’ingénieur-rêveur montre à nouveau qu’on peut faire mieux avec moins.
L’aventurier craint moins les tempêtes que les séances photo. En cette fin d’automne, Corentin de Chatelperron sort tout juste de deux mois de promotion de son livre, Ma biosphère. Vivre autonome grâce aux low-tech (éd. Arthaud), et du documentaire Arte qui l’accompagne. Il y raconte comment, après avoir sillonné la planète en catamaran pendant plusieurs années à la recherche des meilleures « low-techs », il a vécu pendant quatre mois en autarcie sur une plateforme flottante grâce à une trentaine de ces outils « utiles, durables et accessibles ». Pour survivre sur ce radeau installé au beau milieu d’une baie thaïlandaise cernée de pitons rocheux, il ne disposait que de panneaux solaires, d’une éolienne, d’un dessalinisateur, de deux poules, quelques plantes, un système hydroponique et une colonie de champignons. (...)
Il y a longtemps, bien avant de se lancer dans cette aventure low-tech, Corentin était étudiant en école d’ingénieur. Tout l’orientait vers une carrière dans la construction ou le conseil. Pourquoi tirer un trait sur la promesse d’une existence confortable pour aller, à la place, vivre de spiruline et d’eau fraîche sur une plateforme en bambou ? Lui-même a du mal à identifier précisément d’où lui vient son goût pour les techniques sobres. (...)
Bricoleur et débrouillard, il s’est inscrit à l’Institut catholique d’arts et métiers (Icam), avant d’enchaîner les stages dans l’éolien en France et en Inde. Dans la ville expérimentale d’Auroville, au nord de Pondichéry, il a découvert avec émerveillement les expériences écolos menées par les habitants. « C’est vraiment là que j’ai vu que ça me plairait d’avoir un boulot qui corresponde à mes convictions, mes passions, mes valeurs », se souvient-il (...)
À 26 ans, il s’est lancé dans la construction d’un bateau en fibre de jute (...)
Après avoir échoué à monter une entreprise dans l’écotourisme, il s’est retrouvé un peu par hasard au Bangladesh, à travailler sur le chantier naval d’un ami d’ami. Il dormait dans un bateau amarré sur les rives du fleuve Brahmapoutre, face à la forêt tropicale, avec pour seuls équipements un matelas, une moustiquaire, une plaque électrique… et la compagnie de quelques geckos. « Je me suis aperçu que j’aimais bien le minimalisme poussé à l’extrême, que j’adorais me mettre sous contrainte », raconte-t-il. « Je pense que le fait de ne pas avoir eu directement à la sortie des études un salaire confortable m’a aidé à lancer mon projet. Une fois que tu as un appartement, une voiture, c’est beaucoup plus difficile de repartir à zéro dans des conditions spartiates. » (...)
« C’est là, au milieu de l’immensité de l’océan, que j’ai ressenti cette curieuse sensation : mon corps n’était pas étranger à son environnement, il appartenait à un tout », écrit-il dans L’aventure de Tara Tari (éd. La découvrance, 2011). (...)
« C’est un peu naïf, mais j’ai toujours l’impression que ça va bien se passer et que je suis bien préparé, dit-il en rigolant. Ça ne me dérange pas trop de foncer vers un échec. Quand tu te dis, “je vais peut-être me planter mais au moins ça me permettra d’apprendre”, ça décomplexe. »
Entre les araignées rouges dévastant ses plants de
patates douces, les caprices de son dessalinisateur et les difficultés de l’hydroponie, son écosystème a mis trois mois avant d’atteindre le succès escompté. (...)
Les yeux de l’ingénieur pétillent de malice à l’évocation du souvenir de « Canard », le palmipède embarqué avec lui dans sa biosphère. « Au départ, elle était censée pondre. Quand je me suis aperçue qu’elle ne pondrait pas avant plusieurs mois et que je n’aurais jamais un œuf d’elle, elle a changé de statut. C’est vraiment devenu une pote. J’adorais ce canard, elle était vraiment cool », raconte-t-il en riant. (...)
Corentin de Chatelperron a pensé cette « biosphère low-tech » comme un contre-pied aux écosystèmes high-tech et énergivores imaginés par l’entrepreneur milliardaire Elon Musk pour coloniser d’autres planètes. (...)
l’ingénieur conçoit en ce moment une deuxième « biosphère low-tech », qui sera testée l’hiver prochain. (...)
L’étape d’après sera la création d’un « village low-tech », rassemblant une centaine de volontaires. (...)
Dans le conte de Saint-Exupéry, après ses vagabondages dans l’espace, le Petit Prince retourne sur sa planète pour en prendre soin. Après avoir fait le tour de la sienne, Corentin de Chatelperron semble être arrivé au même point.