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Cour européenne des Droits de l’Homme
Cour européenne des Droits de l’Homme : Condamnation de la France pour Traitement dégradant d’un mineur étranger isolé.
Article mis en ligne le 2 mars 2019

Conditions de vie précaires d’un mineur isolé étranger dans un bidonville et inexécution de l’ordonnance judiciaire de placement : violation

En fait – Le requérant, mineur isolé étranger (MIE), a vécu durant six mois dans la zone Sud de la lande de Calais à l’âge de douze ans. N’ayant pas été pris en charge par les autorités comme la majorité des MIE, il habitait dans une cabane.

Le 19 février 2016, une organisation non gouvernementale saisit le juge des enfants d’une demande de placement provisoire du requérant. Par une ordonnance du même jour, le juge des enfants, constatant que le requérant n’avait pas de représentants légaux en France, désigna un administrateur ad hoc. Par une ordonnance du 22 février 2016, il ordonna que le requérant fût confié à l’aide sociale à l’enfance afin de le mettre à l’abri et permettre son regroupement avec des membres de sa famille résidant en Grande-Bretagne, et ce dans un délai d’un mois.

Le requérant indique que ni le département du Pas-de-Calais ni les services préfectoraux n’agirent pour sa mise à l’abri. Ainsi, après la destruction de sa cabane lors des opérations de démantèlement de la zone Sud du 2 mars 2016, le requérant s’installa dans un « abri de fortune » dans la zone Nord. Puis, la semaine du 20 mars 2016, il quitta la lande et entra clandestinement en Angleterre.

En droit – Article 3 (volet matériel) : À défaut de prise en charge par les autorités et malgré le soutien qu’il a pu trouver auprès d’organisations non gouvernementales présentes sur la lande, le requérant a vécu durant six mois dans un environnement manifestement inadapté à sa condition d’enfant, caractérisé notamment par l’insalubrité, la précarité et l’insécurité. Le défaut de prise en charge du requérant s’est empiré après le démantèlement de la zone Sud de la lande, du fait de la destruction de la cabane dans laquelle il vivait et de la dégradation générale des conditions de vie sur le site. (...)

Or, jusqu’à l’ordonnance de placement du requérant, les autorités compétentes n’avaient pas même identifié le requérant comme un MIE alors qu’il se trouvait sur le site de la lande depuis plusieurs mois et que son jeune âge aurait dû tout particulièrement attirer leur attention. Les moyens mis en œuvre pour identifier les MIE étaient insuffisants. (...)

les autorités, qui ont omis d’exécuter l’ordonnance de placement provisoire du requérant, n’ont pas fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour répondre à l’obligation de prise en charge et de protection du requérant, s’agissant d’un MIE en situation irrégulière âgé de douze ans, c’est-à-dire l’une des personnes les plus vulnérables de la société.

La précarité de l’environnement, totalement inadapté à la condition d’enfant, dans laquelle le requérant a ainsi vécu durant plusieurs mois dans le « bidonville » de la lande de Calais et l’inexécution de l’ordonnance du juge des enfants destinée à protéger le requérant, examinées ensemble, constituent un traitement dégradant.

Conclusion : violation (unanimité).

Article 41 : 15 000 EUR pour préjudice moral ; demande pour le dommage matériel rejetée.