
Inspecteur du travail dans la Marne, il a été sanctionné d’une mutation d’office pour avoir refusé de retirer son référé contre un employeur en pleine épidémie. La mobilisation du monde du travail ne faiblit pas autour de ce cas emblématique de la gestion du virus en entreprise.
Anthony Smith entend bien contester, devant le tribunal administratif, la sanction tombée vendredi 14 août. L’inspecteur du travail est muté d’office par sa hiérarchie, suite à une commission disciplinaire tenue fin juillet, malgré la vive polémique qui entoure cet énième conflit entre le ministère du travail et ses agents, d’une ampleur proche de celle provoquée par l’affaire Tefal. (...)
Mi-avril, en plein confinement et alors que l’épidémie de Covid-19 bat son plein, cet inspecteur du travail dans la Marne initie une procédure judiciaire en référé (en urgence) contre une entreprise d’aide à domicile, après plusieurs rappels à l’ordre et le dépôt d’un droit d’alerte des salariés.
L’entreprise manquait, selon l’inspecteur, à ses obligations de sécurité en matière de protection des salariés contre le virus, et notamment sur l’équipement du personnel en masques ou en surblouses.
Par cette procédure, Anthony Smith imitait une collègue inspectrice à Lille, qui avait obtenu, le 3 avril, un jugement en référé rappelant une autre grosse association d’aide à domicile du nord de la France à quel « risque biologique » ses employés étaient soumis et comment les en protéger, ce qui avait déjà fait tiquer la ligne hiérarchique localement. (...)
« Quatre heures plus tard après cette procédure, Anthony Smith recevait une convocation de sa directrice qui lui lançait un ultimatum : s’il ne renonçait pas à cette procédure, c’était la sanction », expliquait à Mediapart Julien Boeldieu, secrétaire général du SNTEFP-CGT, dans notre précédent article sur le sujet. La CGT critiquait alors également « la très grave collusion » entre la direction du travail de la Marne et l’employeur, mis au courant à sa demande de la procédure disciplinaire en cours.
Refusant d’obtempérer, Anthony Smith a donc bel et bien été suspendu, pendant 136 jours, pour finalement être sanctionné de « déplacement d’office », le 14 août, sans savoir encore où il sera muté. « En revanche, sa hiérarchie n’a fait l’objet d’aucune enquête, mesure de suspension ou sanction, alors qu’elle a manifestement relayé et encouragé les pressions exercées par l’employeur », s’insurgent les principaux syndicats du ministère du travail dans un communiqué commun. (...)
Cette affaire a provoqué une intense mobilisation intersyndicale et interprofessionnelle, appuyée par une pétition en ligne qui approche aujourd’hui la barre des 150 000 signataires, un appel de plus de 140 personnalités politiques ou citoyennes et la création d’un comité de soutien demandant l’abandon des poursuites à l’encontre d’Anthony Smith.
Mais le ministère du travail n’en démord pas (...)
Mediapart a également détaillé les pressions et les injonctions contradictoires qui ont mis à mal l’Inspection du travail au cours du confinement. Une plainte a, par ailleurs, été déposée le 16 avril auprès de l’Organisation internationale du travail (OIT), dans laquelle les syndicats accusent leur tutelle de violer plusieurs articles de la convention 81, dont ils dépendent et que la France a ratifiée. (...)
Depuis le mois de mars, ordres et contre-ordres se sont ainsi multipliés, pour tout à la fois répondre aux contraintes sanitaires, éviter la déroute économique… et gérer la pénurie évidente de matériel de protection. En choisissant la sanction dans le cas Smith, et alors que le risque épidémique assombrit la rentrée, la nouvelle ministre du travail, Elisabeth Borne, s’engage donc dans une nouvelle bataille judiciaire, administrative et syndicale avec ses agents.
C’est officiel Anthony Smith vient d’être informé qu’il est muté dans un autre département en Seine et Marne avec prise de poste le 14 septembre. Le ministère du Travail s’enfonce dans la honte et sanctionnant un homme qui a tenté de protéger des salariés. Mobilisation générale !
— Thomas Portes ✊ (@Portes_Thomas) August 19, 2020
Le ministère du travail a choisi de sanctionner Anthony Smith en le mutant d'office dans une autre région, sur un poste situé à 200km de son domicile.
On connaît maintenant le prix à payer pour faire notre métier de protection des salarié•e•s.
— CGT Ministère du Travail (@cgt_tefp) August 19, 2020