
Les événements de ND-des-Landes et de Sivens, les manifestations houleuses à la mémoire de Rémi Fraisse, les récents propos de Mathieu Burnel sur l’insurrection, ont remis en avant le thème de la violence en politique. Incontournable ?
Les longues périodes de transitions historiques entre deux mondes, deux civilisations, ne font jamais l’économie d’explosions de violence. Mais ces violences d’origine humaine peuvent être de natures fort différentes, souvent antagonistes.
(...) Le fait est que dans un monde en crise, où la démocratie est aussi ouvertement étouffée et pervertie, la violence peut être aussi l’arme de minorités quand les majorités s’égarent ou se terrent. Mandela lui-même dut se résoudre à recourir à la violence insurrectionnelle pour faire triompher une cause dont plus personne n’ose contester la légitimité aujourd’hui.
Au-delà de toutes considérations morales, ce billet tente d’établir le constat d’une logique implacable, d’un terrible engrenage social et politique, fut-il choquant. Faire l’autruche, nier que l’on est en train de changer de monde, et que ce changement de civilisation se fait, comme à chaque fois dans l’histoire, dans la brutalité, c’est se condamner à d’humiliantes déconvenues, à la honte.
Car au point critique où notre société en est de son histoire, la qualité du monde d’après dépendra très probablement de la nature de la violence qui l’emportera sur les autres.
« Je ne dirai pas qu’il faut supprimer toute violence »
Laissons le mot de la fin sur ce sujet très sensible à Albert Camus :
« Ce n’est pas me réfuter en effet que de réfuter la non-violence. […] Je ne pense pas qu’il faille répondre aux coups par la bénédiction. Je crois que la violence est inévitable, les années d’occupation me l’ont appris. Pour tout dire, il y a eu, en ce temps-là de terribles violences qui ne m’ont posé aucun problème.
Je ne dirai donc point qu’il faut supprimer toute violence, ce qui serait souhaitable, mais utopique, en effet. Je dis seulement qu’il faut refuser toute légitimation de la violence, que cette légitimation lui vienne d’une raison d’État absolue ou d’une philosophie totalitaire.
La violence est à la fois inévitable et injustifiable. Je crois qu’il faut lui garder son caractère exceptionnel et la resserrer dans les limites qu’on peut. »