
Le 17 septembre, dans son émission « L’invité des matins » sur France Culture, Guillaume Erner avait choisi d’aborder un thème cher à Acrimed, récemment revenu (un peu) sur le devant de la scène : la propriété des médias privés. Intitulée « Quand les oligarques rachètent les médias : quels risques pour la démocratie ? »
cette émission ne pouvait manquer d’attirer notre attention. Quelle ne fut pas notre surprise d’y voir invitée Agnès Verdier-Molinié, directrice de l’Ifrap, lobbyiste ultra-libérale omniprésente dans les médias. Un profil tout indiqué pour disserter sur les « oligarques » médiatiques…
« Une petite musique d’ensemble dangereuse et néfaste au débat d’idées et à la démocratie »
Certes, dans la première partie de l’émission, Daniel Schneidermann, directeur d’arretsurimage.net et Julia Cagé, professeure d’économie et auteure du livre Sauver les médias : capitalisme, financement participatif et démocratie (Seuil, février 2015) que nous avions lu, ont pu faire entendre un certain nombre d’éléments habituellement mis de côté par la critique des médias produite dans et par les médias dominants. (...)
Mais de la seconde partie de l’émission, plus longue d’un tiers [1], on ne retiendra rien de significatif. Il faut dire que Guillaume Erner avait fait le choix saugrenu d’inviter Agnès Verdier-Molinié, directrice de l’Ifrap, un think tank ultra-libéral spécialisé dans la production de documents appelant à réduire la dépense publique. À quel titre ? On se le demande encore…
« Défendre le capitalisme libre dans des entreprises libres »
Nous avons déjà eu l’occasion de relever l’omniprésence médiatique de l’Ifrap, et principalement de son infatigable directrice, payée pour être disponible pour tous les médias, tous les jours, sur tous les sujets, par un organisme de pur lobbying. Cette ancienne journaliste, aujourd’hui VRP des thèses les plus extrêmes en matière de réduction des services publics [2] connaît certes les médias : mais principalement parce qu’elle y passe le plus clair de son temps pour y réciter son catéchisme. (...)
la directrice de l’Ifrap est invitée dans la pure logique du débat-match de boxe. Comme le montre du reste le début de l’émission, Cagé et Schneidermann ont le mauvais goût d’être souvent au moins partiellement d’accord pour critiquer l’ « oligarchie » médiatique. Cet unanimisme constituant manifestement un « risque » pour le capitalisme libre et « logique », il fallait trouver à ce dernier – régulièrement conspué dans les médias publics et privés – un défenseur de choc [4].
Le « débat » qui s’engage dans la suite de l’émission est donc surtout l’occasion pour Agnès Verdier-Molinié de détourner la conversation, en créant de vaines polémiques ramenant les débats, parfois au prix de spectaculaires acrobaties, à son unique sujet de préoccupation : la dépense publique. De sorte qu’il ne fut presque pas question des problèmes que pose l’appropriation du secteur privé des médias par un petit nombre de gigantesques groupes industriels, dans une émission censée pourtant leur être consacrée, et ce grâce à la complicité active (par l’invitation de la directrice de l’Ifrap) et passive (par l’absence de recadrage du propos de l’émission) de Guillaume Erner. (...)
Comme on pouvait le prévoir, la présence d’Agnès Verdier-Molinié a réduit la teneur critique de cette émission essentiellement à son titre. (...)