
Après Charlie, après le Bataclan, après Nice, après Saint-Etienne-du-Rouvray, après des assassinats de policiers à leur domicile, après la vague d’agressions meurtrières en Allemagne, nos sociétés se livrent à des batailles d’interprétation. Nous nous déchirons quand il s’agit de comprendre qui sont les assassins, et percer leurs motivations. Quelle est la place du religieux et celle du social ? La place du phénomène collectif et la part de la pathologie individuelle.
. Devant la complexité du problème, le risque est celui d’une réponse simple, trop simple, ramenée à un seul mot : « Daech ». C’est la grande faiblesse de nos politiques en quête d’un message rapide à destination de leurs électeurs. Le politique, celui qui parle immédiatement, vite est fort, se doit de ne douter jamais. Dans le discours ambiant, l’acronyme arabe d’État islamique finit par tout expliquer, et tout résumer.
La tentation est forte d’imaginer que l’on aura résolu nos problèmes quand on aura écrasé cette secte sous les bombes, en Irak et en Syrie. Un camion fonce dans la foule à Nice, et François Hollande envoie le porte-avions Charles de Gaulle au large du Liban. Cette lecture militaire a deux inconvénients, ici et là-bas. Là-bas, elle confond Daech avec une armée traditionnelle à effectifs constants, omettant que cette organisation s’enracine dans la population sunnite, et qu’elle se reconstituera aussi longtemps que de vraies solutions politiques ne seront pas trouvées aux conflits du Moyen-Orient. L’autre inconvénient est évidemment, ici, de faire l’impasse sur les tares de notre société. (...)
La bataille est aussi culturelle et sociale
Ces jeunes Français qui se laissent embrigader par la propagande de Daech, directement ou par une sorte d’imprégnation, sont presque tous des petits délinquants. Beaucoup ont des antécédents psychiatriques, et parfois les deux. Daech ne leur apprend ni la violence, ni la folie, mais leur donne une cause qui « légitime » à leurs yeux l’une et l’autre. Avant de vouloir mourir en tuant, ils veulent mourir tout court. Pourquoi cette idéologie du « no futur » a-t-elle prise sur ces jeunes gens qui vivent parmi nous ? La multiplication des passages à l’acte sous le label plus ou moins clair de Daech ne peut pas nous exonérer de rechercher les causes de toute cette violence au plus profond de notre société. Il s’agit moins de « déradicaliser » que d’éduquer et d’intégrer, et de donner une place à chacun. (...)