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Dans l’État de Géorgie, avorter après six semaines de grossesse c’est risquer la prison. Ou la peine de mort
Article mis en ligne le 13 mai 2019

Une loi criminalisant l’avortement vient d’être signée et doit entrer en vigueur le 1er janvier prochain.

Mardi 7 mai Brian Kemp, gouverneur républicain de Géorgie, a signé une loi surnommée « fetal heartbeat » (« battement de cœur fœtal ») qui vise à interdire l’avortement après six semaines de grossesse. Cette mesure, la loi HB 481, est la législation anti-avortement la plus extrême du pays –pas seulement parce qu’elle impose des limites très strictes aux droits reproductifs des femmes mais aussi parce qu’elle expose à la prison à vie et à la peine de mort celles qui auraient recours illégalement à l’IVG.

Le premier objectif de la loi HB 481 est d’interdire au personnel médical de mettre un terme à une grossesse dès qu’il peut détecter « une activité cardiaque embryonnaire ou fœtale », ce qui se produit en général à la sixième semaine de grossesse [en réalité sixième semaine d’aménorrhée, c’est-à-dire quatre semaines après la fécondation, soit typiquement après deux semaines de retard de règles, ndt]. Or la loi va beaucoup plus loin que ça. Une de ses provisions déclare sans la moindre nuance que « les enfants à naître constituent une catégorie de personnes vivantes et distinctes » qui méritent « une personnalité juridique à part entière ». Ainsi, la loi géorgienne doit-elle « reconnaître les enfants à naître comme des personnes physiques » –pas seulement dans le cadre de l’avortement, mais du point de vue du droit en général. (...)

Cette révision législative radicale est absolument délibérée : la loi confirme que dorénavant les fœtus et embryons « seront inclus dans les résolutions en rapport avec la population » étant donné qu’ils sont légalement des êtres humains et des habitants de l’État de Géorgie. On sait moins si les auteurs de cette loi ont pris en compte les conséquences plus déroutantes de l’attribution d’un statut de personne physique à des fœtus. Par exemple, comme le souligne Andrew Fleischman, avocat à la cour d’appel, au moment où cette loi entrera en vigueur le 1er janvier 2020, des milliers de citoyen·nes seront emprisonné·es illégalement par l’État.

Pourquoi ? Parce qu’en vertu de la loi HB 481, les fœtus des prisonnières enceintes auront des droits propres –notamment celui de bénéficier d’un procès en bonne et due forme. Est-ce qu’un avocat pour mineur peut représenter le fœtus d’une prisonnière et exiger sa libération ? Si tel n’est pas le cas, pourquoi pas ? Punir un être humain pour les crimes d’un autre est une violation de la loi parfaitement choquante. Si le fœtus d’une détenue est un être humain, comment l’État de Géorgie pourra-t-il le détenir en toute légalité pour un crime qu’il n’aura pas commis ?

Mais l’effet le plus effrayant de la loi HB 481 est peut-être la criminalisation des femmes qui ont recours à des avortements illégaux par un tiers ou mettent elles-mêmes un terme à leur grossesse. (...)

Les anti-avortement clament généralement qu’ils ne veulent pas punir les femmes qui ont recours à l’IVG, c’est pourtant exactement ce que fait la loi HB 481. Lorsqu’elle sera entrée en vigueur, toute femme qui aura mis un terme à sa grossesse aura, du point de vue du droit, tué un être humain –et par conséquent commis un meurtre. En Géorgie, la sanction prévue pour ce crime est l’emprisonnement à vie ou la peine de mort.

La loi HB 481 aurait aussi des conséquences pour les femmes qui font pratiquer une IVG par la médecine ou qui font une fausse-couche. Une femme cherchant à faire interrompre sa grossesse par un professionnel de santé se rendrait complice de meurtre, ce qui est passible d’emprisonnement à vie. Et une femme dont le comportement provoquerait une fausse-couche –par exemple, si elle consommait des stupéfiants en étant enceinte– serait coupable d’homicide au second degré (homicide volontaire sans préméditation) passible de dix à trente ans de détention. La justice pourrait interroger ces femmes pour déterminer si, oui ou non, elles peuvent être considérées comme responsables de leur fausse-couche ; et, en cas de preuves de leur culpabilité, ces femmes pourront être poursuivies, emprisonnées et jugées pour la mort de leurs fœtus.

Même celles qui tenteront d’avoir recours à des IVG légales dans d’autres États ne pourront pas échapper à la sanction. (...)