Sorcière ! La Maison des sorcières à Bergheim (Haut-Rhin) réhabilite le sort de 40 femmes brûlées vives à la Renaissance. Le site déploie la longue histoire de la chasse aux sorcières et le mécanisme des procès en sorcellerie. Dans une société où la femme n’avait pas sa place, la sorcellerie avait bon dos.
"Il n’existe pas de chiffres précis concernant le nombre de victimes dans notre région", explique Marc Mauguin, artiste et bénévole du site. "Certains historiens émettent l’hypothèse que jusqu’à 6 000 sorcières et sorciers, ont été condamnés et exécutés en Alsace. 1 600 victimes sont formellement identifiées, leurs procès documentés. Plus de 80 % sont des femmes". En Europe, depuis le XIIIᵉ siècle, le chiffre de 200 000 procès en sorcellerie est avancé : démentiel !
En Alsace, le plus ancien procès en sorcellerie recensé est celui de Tyne de Richeshochven en 1403, à Sélestat (Bas-Rhin). Le plus récent date de 1715 à Turckheim (Haut-Rhin). C’est-à-dire bien après l’édit de Louis XIV de 1682 qui décriminalise la sorcellerie et interdit ces mises à mort violentes.
Dans toute la région, il est dénombré 115 foyers de persécution des sorcières. L’un des plus actifs se trouve justement à Bergheim, où 40 femmes accusées de sorcellerie sont brûlées vives. Trois succombent lors des interrogatoires. Seulement six auront la vie sauve.
Sorcellerie : des motifs futiles (...)
Les documents ou les archives de cette période sont rares. Ce sont les hommes qui condamnaient. Ce sont également les hommes qui ont voulu effacer, au fil de l’histoire, les preuves de leurs méfaits. (...)
Dès 1252, le pape Innocent IV approuve la torture pour confondre les sorcières, mais lâche, il confie cette besogne au pouvoir civil. En 1326, le pape Jean XXII donne une liberté totale aux inquisiteurs pour traquer le plus grand nombre d’hérétiques, la sorcellerie étant considérée comme la pire des hérésies.
Un lieu de mémoire
La Maison des sorcières de Bergheim (Haut-Rhin), Haxahus en alsacien, n’est pas à proprement parler un musée. C’est sans doute pour cette raison qu’elle reste méconnue. Il s’agit davantage d’un lieu de mémoire qui vise à réhabiliter "l’honneur" de ces femmes, accusées de sorcellerie, injustement torturées et brulées vives. Ce n’est pas un lieu de jeu pour les enfants. (...)
Un hommage aux sorcières
La salle du premier étage relate les interrogatoires et la manière dont se déroulaient les procès en sorcellerie. "Toutes les femmes avouaient quasiment. Après avoir été arrêtées, elles étaient passées à la question. Torturées, privées de nourriture. Elles n’avaient même pas le droit de parler pour se défendre, remémore Marie-Odile. Après les aveux, tout était fini. Tout allait très vite". Le tribunal des maléfices, composé de laïques, prononçait la sentence : la mort sur le bûcher.
Les juges ordonnaient alors la confiscation de tous les biens des personnes condamnées." Elles étaient dépossédées de tout !". Cette saisie permettait de payer les frais de bouche des juges et les frais afférents au procès. Le bourreau était grassement payé. Le restant revenait au seigneur. La Maison de la sorcière présente d’ailleurs des inventaires originaux qui glacent le sang. (...)
La sorcière est ensuite rasée, ses cheveux également, car "le diable se cache dans les poils". Dans de rares cas, le tribunal des maléfices peut appliquer une mesure de clémence : la mort par strangulation ou par décapitation avant d’être mise sur le bûcher. Cette mesure est notamment appliquée pour les enfants. Sinon, dans l’immense majorité des cas, toutes les sorcières sont brûlées vives. Elles n’ont droit à aucun hommage, aucune cérémonie. Les cendres sont dispersées par le bourreau dans un endroit inconnu. La sorcière doit disparaitre de la mémoire des gens.
"Vous comprenez pourquoi cette Maison des sorcières est tellement importante. Elle rend justice. Elle fait revivre l’histoire et le nom de ces femmes injustement condamnées", conclue Marie-Odile. Et, il est vrai que durant tout le parcours, le visiteur a le sentiment d’être accompagné. Et si elles étaient là ?
– Ecouter : (France Culture)
Les grandes heures de la sorcellerie
En 1974, France Culture propose de faire revivre les grandes heures de la sorcellerie. À partir d’adaptations radiophoniques et d’entretiens avec des spécialistes, la série retrace la vaste mythologie collective façonnée autour de la figure surnaturelle et toujours condamnable de la sorcière.
18 épisodes •