
Depuis cinq jours les bombardements ne cessent pas de la journée. Et parfois même la nuit. Avant, ils étaient concentrés sur les zones de combat. Ils visaient plus rarement les zones résidentielles. Mais maintenant les rues sont complètement vides de femmes et d’enfants. On n’y voit que quelques hommes. Même les marchés sont presque vides.
Les gens restent assis au rez-de-chaussée dans les maisons ou dans les sous-sols des écoles. Il n’y a pas de caves ici. Certains ont creusé des abris souterrains. Mais les bombardements sont si intenses que même là on est blessé ou tué. (...)
Les attaquants n’hésitent pas à s’en prendre délibérément aux sauveteurs, avec des doubles ou triples frappes. Comme jeudi dernier. J’étais à Jisreen (une petite ville de l’enclave) avec des secouristes, après une attaque, en train de prendre des photos. Un avion est revenu en lâchant un missile à même pas cent mètres de là où nous nous trouvions. (...)
J’étais submergé par la peur, mais j’ai réalisé que ça ne changerait rien, alors je suis resté, j’ai pris rapidement des photos, et j’ai filé. Après une frappe l’air est rempli par la peur. Même les secouristes ont peur. (...)
Il y a aussi des magasins ouverts toute la journée, avec des gens tellement habitués aux bombardements qu’ils ont l’air d’attendre la mort dans la rue, juste pour vendre quelque chose, de quoi tenir un peu plus longtemps. (...)
Moi, j’ai besoin d’électricité pour charger mes batteries et transmettre mes photos. Il y en a cinq heures par jour environ. Elle est très chère. Ça me revient à environ 80 euros par mois. (...)
Hier je suis parti le ventre vide. J’ai photographié trois massacres, à Jisreen, Saqba et Arbin. En rentrant, il y avait de la nourriture à la maison, mais je n’ai rien pu avaler. La fatigue et la pression psychologique étaient trop fortes. Je ne pouvais pas m’arrêter de pleurer. J’ai transmis mes photos, et je me suis effondré dans le sommeil. Je me suis réveillé tôt, avec le bruit d’un nouveau bombardement, sur Hamouriya. (...)
Il n’y a plus un seul lieu sûr. Les frappes visent les mosquées, les maisons, les marchés, les écoles, les rues principales, même les quelques sous-sols. Il y a des missiles qui les touchent en premier, et puis ensuite les immeubles environnants. (...)