
La situation est dure pour les migrants et ceux qui les soutiennent dans les Hautes-Alpes. Trois morts ont été recensés depuis début mai et le procès des « Trois de Briançon », poursuivis pour « aide à l’entrée d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire national et en bande organisée », a été repoussé au 8 novembre. Mais les montagnards maintiennent la solidarité.
Les montagnards solidaires des migrants n’ont pas cessé d’avoir cette crainte tout l’hiver, « retrouver des corps à la fonte des neiges ». Ils ne s’attendaient pas à l’irruption de militants d’extrême droite, tels ceux du groupuscule Génération identitaire qui fait de la communication et de l’intimidation depuis le 21 avril dans le Briançonnais. Ils savaient qu’ils risquaient d’être réprimés pour leurs « délits de solidarité », puisque des dizaines d’entre eux avaient déjà été convoqués pour être entendus par la police ou la gendarmerie. À l’image de Benoit Ducos, ce maraudeur qui avait sauvé une femme enceinte en février. Mais ils ne pensaient pas que l’action de solidarité mènerait jusqu’en prison. C’est pourtant ce qui est arrivé aux « Trois de Briançon », qui ont passé 9 jours en détention provisoire aux Baumettes, à Marseille, pour avoir participé à une marche qui a franchi la frontière en compagnie des migrants pour répondre au coup médiatique des Identitaires. Ces derniers, alors qu’ils pourraient être poursuivis, selon les propres analyses du ministère de la Justice, poursuivent leurs méfaits sans être inquiétés.(...)
En un mois et demi, la répression et la situation humanitaire à la frontière des Hautes-Alpes se sont considérablement aggravées, dans un contexte où la France s’interroge sur la politique migratoire de l’ère Macron. L’engagement présidentiel de naturalisation d’un Malien sans-papiers devenu héros pour avoir sauvé un enfant ne suffisant pas à dissimuler la dureté sans précédent de la politique migratoire et de la répression que subissent ceux qui aides les migrants.(...)
Les juges ont prononcé le renvoi du procès des deux jeunes Suisses et de la jeune Italienne, Théo, Bastien et Eleonora, dans l’attente de l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par le Conseil constitutionnel, qui pourrait considérer que la pénalisation de l’aide aux migrants est contraire à la valeur républicaine de fraternité. La question a été déposée devant la justice par les militants solidaires de la vallée de la Roya (Alpes-Maritimes) Cédric Herrou et Pierre Alain Mannoni.(...)
Les deux jeunes Suisses et la jeune Italienne sont ressortis libres de tout contrôle judiciaire. Depuis le 3 mai, date de la fin de leur détention provisoire, ils étaient assignés à résidence en France avec l’obligation de ne pas quitter le département dans lequel ils résidaient et l’interdiction de s’exprimer sur les réseaux sociaux. Eleonora a choisi de ne rien dire publiquement. La semaine précédant l’audience, les deux Helvètes avaient fait le choix de s’exprimer dans une conférence de presse. « La répression est dure à vivre pour nous, elle l’est encore plus pour les migrants », disaient-ils. À peine soulagés de retrouver leur pleine liberté, ils ont une nouvelle fois tenu à dénoncer. « La question de fond, ce sont les raisons politique, économique et climatique des migrations. Le capitalisme et son histoire, faite d’esclavage, de colonialisme et d’impérialisme en sont la cause », nous dit Bastien. L’audience, accompagnée d’un nouveau rassemblement, aura lieu le 8 novembre.(...)
Dénonçant entre autres dans un communiqué du 22 mai des « drames qui ne sont pas des accidents mais bien la conséquence d’une politique mortifère », l’association Tous Migrants ne cesse de demander l’arrêt des opérations de la police aux frontières (anciennement police de l’air et des frontières), de la gendarmerie et des militaires de l’opération Sentinelle. « Ils utilisent toujours plus de moyens : des lunettes infrarouges pour voir la nuit, des motoneiges et des VTT pour patrouiller en forêt, des tenues pour se camoufler », raconte Anaïs [*], du lieu d’accueil Chez Marcel.(...)
Le 18 mai, à moins de deux kilomètres du lieu où Blessing se serait noyée, Alpha Diallo, un autre Africain, a été retrouvé mort par des promeneurs, victime d’épuisement. Il a été inhumé ce jeudi 30 mai au hameau des Alberts, non loin du lieu de sa mort. Ce vendredi 1er juin, les montagnards solidaires lui ont rendu hommage, comme ils l’avaient fait pour Blessing, « en noir, avec fleurs et bougies. Pour ne pas s’habituer ».(...)
Ce mardi 5 juin, un nouveau rassemblement est appelé devant le tribunal de Gap. L’audience pourrait prononcer l’expulsion du Chum, une ancienne maison de chef de gare squattée dans la cité cheminote de Veynes pour accueillir des migrants mineurs isolés. Du 8 au 10 juin, des militants italiens et français organiseront un camping itinérant (pour « trois jours de lutte contre les frontières », de Bardonecchia à Briançon). Ce samedi 2 juin, à Paris, se déroule une manifestation pour le retrait du projet de loi Asile et Immigration. (...)