
Dans la banlieue industrielle de Milan, des ouvriers tentent de relancer une activité dans leur ancienne usine de pièces automobiles. Ateliers et chaînes de production accueillent désormais un centre de recyclage, une vente de produits locaux équitables, un studio de musique ou une fabrique de liqueur de citron. Le tout en autogestion. Un pari qui commence à payer, mais qui montre les difficultés de construire un projet coopératif parti de rien, et sans aucun soutien institutionnel. Reportage au sein de « Ri-maflow ».
« Piano piano », les 30 000 m2 de l’usine Maflow, désertée fin 2012, ont repris vie. L’histoire de cette fabrique de pièces automobiles de la banlieue de Milan aurait pourtant pu se terminer comme beaucoup d’autres. Le processus est déjà vu maintes fois. Une usine mise en faillite malgré une activité prospère. Le rachat - en liquidation judiciaire - par un groupe qui lorgne sur les machines et les brevets. Puis la délocalisation des machines vers la Pologne, deux ans plus tard. Mais à la Maflow un nouveau chapitre est en train de s’écrire. Les trois ans de lutte et la rencontre avec des militants politiques ont rendu possible l’occupation de l’immense usine, sa remise sur pied après le pillage de son réseau électrique, et la relance de petites activités.
Un an après le lancement du projet « Ri-maflow », fondé sur le principe du recyclage, 23 personnes y travaillent, dont une moitié d’anciens ouvriers de l’usine. Le week-end, un marché aux puces fait vivre le lieu et ramène des clients devant un petit bar récupéré dans un hôpital de Milan. Des anciens de l’usine ont développé un groupe d’achat équitable de produits agricoles de la plaine du Pô. Un studio de musique a pris ses quartiers dans la salle des tests des composants automobiles. À côté, un atelier de réparation de vélos, une petite production de liqueur de citron Limoncello, une salle de concert et un atelier d’artistes. De quoi faire vivre les lieux et tenter de constituer un capital pour relancer une activité de recyclage de matériel informatique et domestique, qui elle aussi a démarré sur une partie des locaux.
Recyclage, commerce équitable et discothèque (...)
"nous avons trinqué au 72ème jour d’occupation, s’amuse Gigi Malabarba, un des pères du projet Rimaflow. Nous avions tenu un jour de plus que la commune de Paris ! " (...)
Depuis deux mois environ, l’atelier de recyclage connaît ainsi une baisse de régime. « Nous n’arrivons pas à créer un groupe stable de 5 personnes, raconte Luca Federici. C’est une organisation du travail très nouvelle pour certains, après vingt ans passés à sa place sur la chaîne de production, il est difficile de fonctionner en autogestion. Il y avait pour certains une relation forte avec la machine. Un syndrome de Stockholm. » Malgré tout Rimaflow prend racine. Le marché compte 80 exposants après six mois d’existence et l’usine tisse sa toile avec un réseau d’artistes et d’associations. Le tout reste illégal, mais déjà légitime aux yeux du propriétaire des lieux, qui accepte pour le moment de fermer les yeux. Il faut dire que la banque Unicredit serait incapable de trouver preneur pour un tel espace, alors que des dizaines d’usines vides végètent alentour. Les Rimaflow entretiennent les lieux, payent leurs charges et promettent de verser un loyer dès qu’ils en auront les moyens. L’usine est devenue un lieu de vie et se voit demain en « citadelle de l’autre économie ».
Dans les prochains mois, beaucoup d’ex ouvriers de Maflow perdront leurs allocations chômage. L’enjeu pécuniaire deviendra alors plus pressant à Rimaflow et avec lui, celui de l’avenir du projet. « Nous essayons d’apporter notre part à un changement global, mais il y a ce problème très concret, résume Antonio Galliazzo. Sans salaire, il n’y a pas d’idéal ». (...)