
Mais d’où vient le charbon de bois des barbecues ? Voilà une question que l’estivant insouciant ne se pose certainement pas. Et pourtant, entre importations africaines, opacité législative, tricherie des grandes marques, la filière suscite de nombreuses questions. Enquête sur l’origine du mystérieux charbon de bois.
(...) C’est TFT, The Forest Trust, une ONG créée au Royaume-Uni et récemment installée à Lille, qui a éveillé notre curiosité. « Les
Français consomment chaque année environ 130.000 tonnes de charbon de bois, mais 70 % viennent des importations », explique Pierre-Olivier Watrin, en charge du dossier chez TFT. L’organisation a recoupé les données des douanes françaises et des Nations Unies pour remonter la filière. Résultat : le Nigeria est le premier pays de provenance, à 22 %, suivi des Pays-Bas et de la Belgique.
Sauf que ces deux derniers pays n’ont quasiment pas de forêts. Erreur ? « Non, en fait ces pays importent du charbon par containeurs. Il est ensaché sur place, puis vendu en France », assure Pierre-Olivier Watrin. Il faut donc aller voir où la Belgique et les Pays-Bas se fournissent. « En recroisant les informations, nous sommes arrivés à estimer que 37 % du charbon consommé en France vient du Nigeria. C’est plus que la production française », poursuit le chargé de campagne. Du charbon utilisé très majoritairement pour les barbecues des particuliers.
Déforestation, pollution, mafia
Pour vérifier ces chiffres, l’organisation a testé au hasard des sacs de charbon de bois achetés dans différentes grandes surfaces françaises, en analysant les indications apportées sur le sac et son contenu. Du côté de l’origine, il y a ceux qui ne l’indiquent pas, ceux qui marquent Belgique, et les Français qui affichent fièrement leur drapeau bleu-blanc-rouge. Quand on ouvre les sacs, il est facile de repérer la provenance du charbon : le bois tropical est plus dense, plus lourd, donc souvent vendu au kilo plutôt qu’au litre. L’ONG a même trouvé certains tricheurs, qui indiquent une provenance européenne alors que le bois vient clairement des tropiques.
Pourquoi le Nigeria, et plus généralement les importations africaines, posent-t-elles problème ? D’abord, cela est dû à la façon de fabriquer le charbon en Afrique : le bois fait sa combustion dans des meules de terre (des tas de bois recouverts de terre), où l’air passe encore. Cela laisse échapper les gaz dans l’atmosphère. Alors qu’en Europe, les procédés industriels utilisent des déchets de scieries, carbonisés dans des fours qui permettent de récupérer et de réutiliser les gaz. Par ailleurs, pour la même quantité de bois, la première méthode permet d’obtenir environ deux fois moins de charbon que la seconde méthode. (...)
Ensuite, « le problème est que le Nigeria est l’un des pays avec le plus fort taux de déforestation, dénonce Fabien Girard, directeur de TFT France. Là-bas, la façon dont les gens travaillent, c’est que chacun fait sa meule, la met sur le bord de la route, puis des camions les ramassent et les amènent au port. On n’a aucune traçabilité là-dessus : le bois a-t-il été prélevé dans des zones protégées ? des enfants y travaillent-ils ? l’argent sert-il à financer des mafias ? »
Une opacité que la législation européenne n’oblige pas à éclaircir. (...)